L'été, une saison particulière pour le repos qu'elle inspire aux nations travailleuses, celles qui réfléchissent à l'avenir et qui préparent sa construction, pierre par pierre. Celles qui ont le droit de profiter des merveilles de la montagne et de la mer, après une année de labeur, de sueur, d'angoisses, de stress. Chez nous, l'été c'est chaque jour de l'année. Que déduire d'une année hégirienne aux environs immédiats de 1431, qui nous sert tout juste à compter les cycles lunaires, et à nous émerveiller des clignotements du croissant, pendant que d'autres partent à l'assaut des astres qui nous entourent, nous laissant à notre étonnement, les yeux fixant une terre qui bouge sous nos pieds, sans oser un premier pas. Du côté du gouvernement les choses se sont calmées après un remaniement à mi-temps, qui ne doit surprendre personne en dehors de ceux qui croient encore qu'un remaniement est le signe fort d'une politique ; en omettant que la volaille caquette très fort chaque fois qu'elle pond un petit œuf. Autant dire que le changement n'a apporté que la continuité pour rester fidèle à une recette bien algérienne. Pour le moment. Quoi de plus logique en l'absence d'une culture de l'alternance au pouvoir, que de garder les initiateurs de projets à leurs places pour en suivre l'exécution ? Un peu comme des chefs de chantiers sauf qu'il s'agit là de la politique et qu'en politique on arrive par un parti et non par les diplômes ou la technicité. En Politique on arrive avec son propre projet et des lois qui portent des noms de personnes, des noms propres. En Politique on démissionne lorsque la table est desservie et la fidélité s'exprime par rapport à des idées et non pas par rapport aux hommes. Les hommes meurent et les idées s'enrichissent de plus en plus au fil du temps. C'est leur loi. Bientôt le gouvernement partira en congé par groupe pour éviter une vacance de la gouvernance locale bien mérité et reviendra frais pour se reposer à nouveau entre deux apparitions dans une télévision pour sourds-muets et non-voyants. Seule la machine des émeutes, celle aussi de la corruption continueront à meubler la vie publique. L'été est une saison chaude et les algériens s'apprêtent les uns à reproduire Tipaza, Les Andalouses et les plages bônoises ou encore djidjéliennes à Hammamet et dans ses environs immédiats, les autres moins chanceux, à une hibernation estivale pour une sieste de trois mois entrecoupée de quelques prières du Vendredi et d'un Ramadhan qui n'arrive pas à se fixer dans un calendrier, tellement il coûte cher. Les corrupteurs et les corrompus se donnent déjà rendez-vous ailleurs, sur une autre planète de sables fins et de piscines odorantes, allongeant leurs corps au bout d'un cigare, guettant de loin la cagnotte nationale qui s'effiloche au gré des containers en scandant à juste mérite, « one, two, three » milliards de dollars. L'été arrive et les passeports biométriques promis attendront la fin de saison pour évaluer le nombre de barbes rasées et le nombre de foulards ôtés par des femmes qui auront fait le choix difficile, entre leur croyance discutable et les normes internationales indiscutables. A la fin de la saison il sera trop tard pour voyager. Les émigrés viendront par tous moyens de transport humer l'air du pays et faire un plein affectif qui tiendra une année dans le réservoir du nationalisme atavique. Leurs enfants découvriront les cousins par paquets, la saleté des plages par montagnes, les routes crevassées par centaines de kilomètres, et une autoroute neuve où il est conseillé de remplir l'essence, avant de s'y aventurer. Ils découvriront une armée de gardiens de voitures, un bâton prolongeant leurs bras endoloris par l'inactivité et autant de mendiants qu'un peuple biblique, qui mendient des sommes aussi précises que le tarif d'un timbre fiscal. Ils repartiront déçus comme chaque année de voir un pays plein de soleil à qui il manque une âme. Une toute petite âme. Leur seule assurance c'est qu'ils savent qu'ils n'y vivront jamais. Les émigrés sont la seule distraction pour ceux qui n'ont aucune possibilité de passer l'été ailleurs. Côté Enseignement Supérieur, les enseignants qui sont parfois aussi chercheurs n'iront pas à des colloques estivaux et sont rappelés à l'ordre quant à leurs participations à des manifestations scientifiques en contradiction avec les principes politiques de l'Etat souverain. Autant interdire toute participation quelle que soit la saison et la raison. Le motif apparent ? Un enseignant aurait participé à un colloque sur le Sahara Occidental organisé par les marocains. L'été ne sera donc pas celui de la Recherche Scientifique du fait d'une note adressée aux recteurs et de la mise en place d'un dispositif paperassier avec lequel nous n'irons sur la lune qu'une fois au ciel n'en déplaise au P.I.B. Les mariages seront nombreux avant le mois sacré du carême cette année et les klaxons promettent un assourdissement digne des stades sud-africains lors du Mundial. Les mariés prendront d'assaut les mairies, déjà dépassées par l'extrait de naissance 12 S. Les amandes trop chères seront remplacées par les cacahuètes et les youyous fuseront de bouches fermées devant l'injustice. Le nombre de moutons se réduira au grand bonheur des lutteurs contre la désertification. Les enfants de Ghaza continueront à souffrir du blocus israélien en attendant qu'Obama en finisse avec la marée noire de ses côtes floridiennes d'ici Septembre. Peut-être. L'équipe algérienne aura donné ce qu'elle peut contre l'Amérique et le drapeau national suffira à peine à faire de l'ombre au dernier des harraga qui quittera Rechgoune, cet été.