Le ministre de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière a rencontré, avant-hier à Alger, les opérateurs locaux de l'industrie pharmaceutique. A l'ordre du jour, le vieux sujet de la politique nationale du médicament alors que l'Algérie importe annuellement pour plus de 1,7 milliard d'euros de produits. Selon une synthèse du débat qui s'est instauré entre le ministre et ces opérateurs, ces derniers appellent «à la mise en place d'une politique nationale pour les médicaments». En dépit d'un soutien de l'Etat, le secteur local de la production pharmaceutique n'arrive pas encore à atteindre un niveau en mesure de répondre à l'essentiel de la demande nationale. Chacun a exposé ce qui, selon lui, est une contrainte ou un obstacle à une dynamique escomptée depuis de longues années. Les plaintes des producteurs locaux Ainsi, le président de l'Union nationale des opérateurs pharmaceutiques (UNOP), Ammar Ziad, a abordé les contraintes liées au crédit documentaire, notamment la pénurie des matières premières entrant dans la composition des médicaments et qui occasionnent les ruptures enregistrées sur le marché. A côté de la lourdeur des procédures financières, il y a les procédures administratives qui, selon le secrétaire général de l'UNOP, Nabil Mellah, entravent l'investissement dans le secteur pharmaceutique. Wahid Kerar a mis, quant à lui, en exergue le manque de moyens qui freine l'investissement en Algérie en dépit des efforts de l'Etat et des investisseurs, soulignant la nécessité de réviser la nomenclature des médicaments locaux dont l'importation est interdite afin de protéger la production nationale. Cette restriction des importations, plusieurs fois réclamée par les producteurs locaux, à laquelle adhère notamment le gouvernement, n'est pas vraiment appliquée. Des opérateurs nationaux estiment que s'il y avait une politique continue et stricte de limitation à l'importation de certains produits pharmaceutiques, cela aurait certainement contribué à booster la production nationale. On rappelle qu'il y a déjà quelques années, il y avait plus de 100 projets d'investissements dans ce secteur que ce soit des projets de personnes privées algériennes ou des projets de grands laboratoires étrangers. A priori, rares sont les projets qui ont vu le jour et qui, en tout cas, ont eu un impact remarquable sur le marché du médicament. L'Association nationale des producteurs en pharmacie (ANPP), par la voix de son président Rafik Mersli, tout en déplorant «l'absence d'une politique nationale pour les médicaments», appelle «à accélérer l'enregistrement des médicaments locaux pour faciliter leur vente». D'ailleurs, cette procédure de l'enregistrement est décriée parce qu'elle prend beaucoup de temps et on se demande pourquoi. Certains médicaments ont rapidement leur numéro d'enregistrement, et donc le «OK» pour être commercialisés, d'autres attendent longtemps, trop longtemps et donc sont économiquement pénalisés. Au cours de cette rencontre entre le ministre Djamel Ould Abbès et les opérateurs nationaux du médicament, on ne s'est pas focalisé sur le médicament générique. Pourtant, des experts soulignent que cette option stratégique retenue par quelques producteurs permettrait de réaliser des économies. Pour le moment, le SNAPO, par l'intermédiaire de son président Messaoud Belambri, souhaite la révision des prix des médicaments génériques et des molécules mères. Et tous les opérateurs appellent de leurs vœux à la régulation du marché des médicaments. Une facture d'importation élevée Le ministre de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière, Djamel Ould Abbès, a assuré ses interlocuteurs que «le marché des médicaments sera prochainement régulé». Il a également affirmé qu'il n'autorisera pas «la distribution des médicaments par certains importateurs jusqu'à la levée du monopole qui a privé certaines régions de médicaments de base». Le ministre a annoncé «la prise de nouvelles mesures visant à maîtriser l'industrie et la distribution des médicaments, réduire la facture d'importation et encourager la production locale, tant à travers des partenariats avec les étrangers qu'à travers des investissements locaux, en accordant la priorité à la recherche scientifique et la formation pour le développement du secteur». M. Ould Abbès a souligné que l'élaboration d'une charte des médicaments s'impose pour l'amélioration de la gestion du secteur, affirmant que la dépendance de l'étranger en matière de médicaments est «plus dangereuse» que celle des produits alimentaires. Cette rencontre a permis d'apprendre que la facture des produits pharmaceutiques s'est élevée en 2009 à près de 1,7 milliard d'euros, dont 87 % pour les médicaments et 8,63 % pour les vaccins. Sur la facture globale, le directeur de la pharmacie au ministère de la Santé a notamment indiqué que la facture des consommables est estimée à 37 millions d'euros (2,24 %), celle des réactifs à 32 millions d'euros (1,91 %) et celle des produits destinés à la chirurgie dentaire a atteint les deux millions d'euros. Cette facture des importations de 2009 est, grosso modo, le double de celle de 2005. Quel que soit le justificatif avancé pour expliquer cette situation, elle témoigne de la dépendance vis-à-vis de l'étranger ainsi que de la faiblesse de la production nationale estimée actuellement à 37% des besoins en médicaments.