Chez nous le mois du ramadhan permet de masquer le travers ordinaire. Ce mois de piété, de dévotion, tombe à pic et couvre en l'expliquant sans le justifier, la léthargie dans laquelle le pays est plongé. Ce faisant, le degré zéro de l'activité pendant le ramadhan permet d'entretenir l'illusion qu'il y a un mois de relaxation méritoire, d'un côté et 11 mois d'intense labeur de l'autre. Une manière comme une autre de se soustraire à toute critique: on ne critique en effet que ceux qui font quelque chose. Ceci se situe évidemment à des millions d'années-lumière des prescriptions coraniques et abrahamiques: bilan récapitulatif et de nos excès et de nos péchés, réflexions sur le sens de la vie, pensées vers ceux qui souffrent et surtout accroissement de l'effort sublimé sous la contrainte librement infligée à soi-même en toute humilité (le grand Djihad), pour une plus grande créativité spirituelle, intellectuelle et matérielle. En sacrifice à Dieu et à la collectivité des hommes. Rien de tout cela. Il suffit de contempler les hordes de ventripotents, vautrés devant leurs télés et les processions de promeneurs affairés sur les boulevards ou attablés pour compléter, en le continuant, un repas qui occupe tout l'espace-temps entre le coucher et le lever du soleil, pour s'en convaincre. De quoi réinventer les vomitorium A l'usage des observateurs, cela tombe sous le sens. La température estivale, le ventre vide, les excédents pétroliers, tout incline au sommeil paisible, à l'indolence et aux sirupeuses soirées interminables entre ftour et shour. En témoignage d'une inoxydable et indicible soumission, la majorité des fidèles ronflent fidèlement et laborieusement entre shour et ftour et ouvrent leurs vasistas- en même temps que l'appétit-, à l'heure de la rupture de ce qui n'a pas été rompu: une manière efficace de garder la forme (et son contenu) et rendre à Dieu ce qui lui appartient. C'est pendant ce mois sacré que l'Algérien apparaît tel révélé dans sa plus grande sincérité: un être sympathique doué d'une intelligence, fondamentalement consommatoire qui répugne à l'effort, adepte opiniâtre de la loi de zipf. Un mois de non-être économique et politique, patriotiquement partagé. Pendant ce temps-là, l'Algérie est aux abonnés absents. Notre pays se retire de la communauté internationale et son pavillon à l'ONU n'est hissé à nouveau que le second jour de l'Aïd. Tenant compte de tout cela, je suggère que le PIB Algérie soit recalculé sur une base plus conforme à notre génie national. Un an de travail pour la branche de l'énergie, 11 mois pour l'administration -très inégale et informelle- des recettes dégagées par la fiscalité pétrolière et 1 mois d'hibernation jouissive et hédoniste pour tous. Nous aurions cependant tort de nous affliger l'exclusivité de ces tares. Nos voisins du septentrion sous le règne de Sarko 1er (ou de Sa majesté Berlusconi) intimement convaincus pourtant de leur supériorité congénitale en intelligence pure et en industrie-, dépassent et de très loin nos élites indigènes pour ce qui est de la performance en matière de faillite politique.