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Monologue de l'institutrice néo-retraitée
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 12 - 09 - 2010

Je sais ce que vous allez penser. Cinquante-cinq ans, c'est trop jeune pour prendre sa retraite. C'est ce que me dit mon vieux père. Lui aussi était instituteur avant de devenir directeur d'école primaire. C'était une autre époque. Il n'imagine même pas ce qu'est devenu le métier. Ne croyez pas non plus qu'il s'agisse d'un effet d'aubaine. Cela fait longtemps que j'ai pris ma décision. Avant même que Sarkozy ne soit élu et qu'il ne lance sa réforme. Dès le milieu des années 1990, j'avais compris que les choses allaient empirer. Croyez-moi, pour être instit aujourd'hui, il faut avoir la vocation et se dire que rien ne sera facile.
Dans cette petite école que vous connaissez bien, j'ai vu les choses se dégrader peu à peu. Je ne parle pas des conditions matérielles même si avoir des classes de trente gamins est un non-sens pédagogique, surtout lorsqu'on sait que la maternelle est destinée à les préparer au CP. Non, je parle des comportements. On se connaît bien, n'est-ce pas ? Vous savez que je ne suis pas raciste mais il y a des choses qu'il faut dire sans se voiler la face.
Il y a trente ans, des parents immigrés, maghrébins ou africains, venaient nous voir en nous disant : « si mon enfant ne travaille pas bien, s'il se comporte mal, il ne faut pas hésiter à le corriger. Frappez-le autant que vous voudrez pourvu qu'il réussisse ses études. » On avait du mal à leur expliquer que c'était interdit, que ce n'était pas notre rôle mais ce qui m'émouvait le plus, c'était cette confiance totale qu'ils avaient en nous. Ils comptaient sur nous pour que leurs enfants s'en sortent mieux qu'eux. Vous ne pouvez pas imaginer quelle motivation cela créait. Je me sentais obligée d'en faire plus pour leurs gamins, de n'avoir de cesse de les tirer vers le haut.
Et puis les choses ont changé. Maintenant, le moindre reproche équivaut à une accusation de racisme. On y réfléchit à deux fois avant d'écrire un mot sur le carnet de correspondance. Quand vous demandez à voir les parents parce que le gamin dit des insanités en classe – allez savoir où il les a apprises – vous savez que vous vous engagez dans un processus qui peut vous mener au tribunal. Si, si, je vous assure. Ça m'est arrivé il y a deux ans. La directrice et moi on s'est retrouvé devant la justice parce qu'on avait osé dire à des parents qu'ils feraient peut-être bien d'emmener leur fils de cinq ans consulter un psychologue. Il n'arrêtait pas de frapper – violemment – ses camarades. Que conseiller d'autre ? Le ton est très vite monté, il y a eu d'autres motifs de convocation et, au final, il a fallu que je trouve un avocat…
J'ai toujours du mal à comprendre. Je suis sûr qu'au Maghreb ou en Afrique noire, ces parents ne se comporteraient pas comme ça. Je suis allée au Mali, j'ai vu à quel point l'instituteur y est respecté. Ça me rend amère. Se faire traiter de raciste parce qu'au bout de la dixième fois, on finit par reprocher aux parents de ne pas avoir signé le carnet de correspondance ou de ne pas avoir vérifié si le travail demandé a été fait, est quelque chose d'injuste. On m'a menacée, injuriée. Quand je convoquais des parents, c'est parfois un vague cousin voire un voisin qui se présentait les mains dans les poches ou bien alors, c'était le grand frère qui me disait, l'air de rien, qu'il connaissait mon adresse... Vous imaginez comment les choses doivent se passer au collège.
Mais ce n'est pas le pire. J'en parle parce que ce sont des expériences un peu traumatisantes mais, pour être honnête, elles ne sont pas les plus nombreuses. Je pense même que cela pourrait rester supportable s'il n'y avait pas le reste. Le quartier a changé. Avant, il y avait une vraie mixité sociale. Maintenant, c'est le règne des bobos. Ils ont de l'argent, ils pensent que l'école est un commerce comme les autres, qu'il suffit qu'ils exigent pour obtenir ce qu'ils veulent et que le personnel de l'éducation est à leur service. Petit à petit, les associations de parents d'élèves ont commencé à leur ressembler. Elles sont vindicatives, soupçonneuses, tatillonnes. Le dialogue est difficile alors que l'on pourrait penser que ce serait l'inverse avec ces gens instruits et cultivés.
La décontraction du bobo est un leurre. Ça donne l'impression de ne pas se soucier des contraintes de la société, de s'en être affranchi, mais en réalité, ça met une pression terrible aux enfants pour qu'ils soient les meilleurs, pour qu'ils sachent lire et compter avant tout le monde – alors que ce n'est pas l'objectif pédagogique de la classe. Ça veut du travail à faire à la maison, ça exige des cours d'anglais et d'informatique. Ça arrive le matin en trottinette ou rollers aux pieds et, sans dire bonjour, ça fait un scandale parce que l'on ne retrouve pas la cagoule du petit. Il y a aussi la question des horaires. On a beau expliquer qu'il faut absolument que la matinée de travail commence à huit-heures quarante, des parents déposent systématiquement leurs enfants avec quinze minutes de retard. « Vous êtes des névrosés de la montre », m'a même dit l'un d'eux.
On demande trop à l'école. Avant, il s'agissait de donner une éducation aux enfants. Maintenant, il faut les élever ainsi que leurs parents. On se prend dans la figure tous les dysfonctionnements de la société et, dans le même temps, le gouvernement réduit les effectifs et entretient l'idée que l'éducation nationale est un gouffre de gaspillages. Je crois que la droite n'a pas fini de prendre sa revanche sur les instituteurs. Je suis persuadée qu'elle n'a jamais pardonné leur rôle dans le combat pour l'école laïque ou pour le Front populaire. On monte les gens contre nous, on nous accuse d'être des privilégiés à cause des vacances mais on oublie ce qu'enseigner exige comme sacrifices et don de soi. Un pays qui n'aime pas ses instituteurs est un pays qui va mal, monsieur. Qui va très mal.


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