Dans un milieu où la circulation de l'information, pour ne pas dire sa rétention, fait défaut, la rumeur prend le relais en provoquant des dégâts là où elle passe au sein de la société, laminant à sec toute analyse ou réflexion utile. La rumeur lorsqu'elle émane de sa source, naisse toute petite puis elle enfle de plus en plus jusqu'à dépasser ses limites. AU RYTHME DE LA RUMEUR Plus, on la laisse et plus elle se propage au sein de la cité sans épargner personne. A chacune de ses étapes, elle prend un peu plus de grosseur. Elle ne peut être anéantie brutalement que par un communiqué identifié sinon elle prendrait des proportions alarmantes et risque de se retourner contre son propagateur. C'est vrai qu'elle voit en nous un terrain très fertile pour s'enraciner. Elle est présente à chaque fois que la communication soit régie de manière bureaucratique comme c'est le cas de nombreux pays sous développés. La rumeur est aussi proportionnelle au degré d'analphabétisme mais parfois elle déroge à cette règle. Chez nous, le commun des Algériens possède l'oreille disposée et prête à écouter n'importe quoi même s'il s'agit d'une saute d'humeur ou même s'il est persuadé que c'est un gros mensonge. Lorsqu'il est mis fin à la rumeur, il est presque déçu qu'elle soit paralysée. Il ne vit que par sa cadence et par son souffle. Il adore bien qu'elle continue à faire son effet jusqu'au prochain cycle. OÙ en sont les choses ? Depuis que les enseignants du secteur de l'éducation nationale ont obtenu gain de cause par la promulgation de leur régime indemnitaire selon qu'il soit inconsistant ou satisfaisant, le milieu universitaire, qui a trop attendu son dû, s'inquiète en cette rentrée universitaire qui ne s'annonce guère sous de tranquillisantes auspices à cause du flou et de l'opacité entretenus dans ce dossier. Selon les données affichées, cette rentrée universitaire ne se présente, semble-t-il, pas de la même façon que la précédente. Tantôt, le dossier n'a pas enco-re été complètement ficelé, tantôt il a été déposé au niveau de la chefferie du gouvernement, tantôt c'est au niveau de la fonction publique que ça bloque. La moindre info dans les journaux met les enseignants chercheurs dans tous leurs états. Ils ne savent pas vraiment à quel saint se vouer ni où se donner la tête ou tendre vers quel vent l'ouïe. En tous les cas, la communication du ministère laisse à désirer, ce qui colporte toutes les cacophonies improbables et alimentent les supputations les plus invraisemblables. Un communiqué officiel de quelques lignes aurait élucidé l'énigme en éclaircissant davantage vers quelle tendance évoluent les choses qui sont des plus opaques en ce moment à cause des oreilles sourdes du ministère. Pourtant, il est question de l'avenir des enseignants. Ces derniers ont le droit de connaître l'issue de leur dossier et participer aux éventuelles solutions à travers leur représentant syndical. Pourquoi laisse-t-on altérer la situation qui risque de prendre des conséquences préoccupantes et compromettre la rentrée universitaire ? De toutes les façons, des surprises, il y en aura que ce soit dans le pire des cas ou dans celui de la plus favorable. Le syndicat le plus représentatif des enseignants chercheurs est mis presque hors jeu depuis quelques mois à cause du partenariat de façade dans lequel on veut le confiner. Ainsi, les rumeurs les plus farfelues prennent le dessus en alimentant toutes les discussions entre enseignants universitaires depuis déjà plusieurs mois. RUMEURS DE PARTOUT A chaque fois que l'on croise un collègue dans les allées du campus, c'est la première chose qu'il vous demande. Les enseignants chercheurs s'accrochent aux moindres chuchotements venus d'ailleurs ou d'en haut. Lorsque l'information fait sensiblement défaut, c'est naturellement le ouï-dire qui prend naturellement le dessus. Il est mélangé à toutes le sauces et travesti et peint à toutes les couleurs. On dirait qu'on le laisse presque volontairement circuler pour tirer ensuite la couverture sur soi. Il suscite parfois de l'espoir et le désespoir pendant les moments les plus extrêmes. A titre d'exemple, une rumeur s'est propagée ces jours-ci à l'intérieur du milieu universitaire pourtant non propice si l'on suit les normes intellectuelles. En effet, selon certaines sources brumeuses, les nouvelles indemnités vont être incessamment perçues. Un collègue était même sûr que la correspondance se trouve au niveau du rectorat. En deux jours, vous rencontrez de tas de collègues qui vous répètent la même chose et en vous harcelant par les mêmes questions. «T'as pas entendu !» Dit l'un. «Ça y est, un collègue proche du recteur, que je viens juste de croiser, m'a appris de source quasi sûre que le rectorat vient de recevoir un texte du ministère concernant le règlement des indemnités» Enchaîne-t-il. «Ah bon ! T'es sûr de ce que tu avances ?» Lui rétorque son vis-à-vis d'un air sceptique mais voulant bien y croire la fausse bonne nouvelle. «Et comment ! Oui je suis formel et je te rajoute que le comptable principal a déjà été instruit ce matin même pour le paiement des reliquats des 33 mois et préparer la nouvelle paie pour le mois d'octobre prochain !» Lui réplique le premier d'un air avéré. Ceux qui ont entendu le prudent écho, filent répandre vite l'événement telle une traînée de poudre dans la grande cour du campus. Les portables fredonnent sans arrêts. Quelques heures après, c'est toute la communauté universitaire qui est entrain de se frotter les mains en poursuivant l'illusion. ELLE COURT ! ELLE COURT ! Le délégué syndical, l'air dubitatif, ne comprend rien à ce manège. Il n'a rien reçu ni entendu quoi que ce soit de son bureau national et les renvoie aussitôt vers leur source. Il est presque le dernier à être prévenu. Comme il est de coutume, il reçoit, si des nouvelles végètent, qu'à travers le journal télévisé de 20 heures suivi par le biais d'un télégramme placardé un peu partout dans tous les tableaux d'affichage de l'établissement. «Ramenez-moi une copie de ce papier dont vous garantissez que c'est authentifié et je vous croirais sur le champ. Et d'abord, quelle est votre source d'information ? Est-elle aussi crédible que ça !» Leur répond-t-il sèchement pour couper court aux allégations. «Heu ! C'est la secrétaire particulière du premier responsable qui se trouve être la belle sœur du vice-recteur qui me jure d'avoir vu de ses propres yeux la fameuse circulaire !» Réplique notre informateur en guise de réponse évasive. Le plus grossier dans cette affaire, c'est qu'on peut te coller une info sans que tu en sois l'initiateur. Des droits d'auteurs plus que garantis. « Moi, c'est le vaguemestre du rectorat et qui est en même temps le gendre du doyen qui vient de me le confirmer » dit le second vaguement. « Et bien ! Moi c'est le planton, petit frère du secrétaire de la faculté, en voyant le dit courrier, qui me l'a témoigné ! ». « Enfin moi, c'est le beau frère du second délégué syndical, exerçant comme chauffeur, qui a ramené le courrier confidentiel d'Alger » Achève le dernier informateur. Une histoire à nous faire dormir debout et qui n'en finit jamais de nous berner. Le comble, c'est que cela se produit en plein milieu universitaire censé être intellectuel. Après vérifications et plusieurs palabres, il s'agit bien d'indemnités mais celles des corps communs, connu de tous depuis quelques mois, dont le texte d'application vient d'atterrir sur le bureau du premier responsable pour exécution ! Avant les vacances, c'était la même chronique qui a été vécue avec la prime de rendement qui a causé d'énormes tromperies et de déviations au sein des enseignants. Tout le monde a cru à celle des enseignants mais c'était celle du corps administratif de l'université. Voilà ce qui arrive à des enseignants lorsqu'ils tendent leurs oreilles partout sans se fier à la diffusion de canulars et les confondent avec les spams de leur courriel. Pour certains, pourvu qu'ils écoutent quelque chose à travers les tympans d'où qu'elle émane. Ils maintiennent l'espoir d'un dénouement heureux mais pas à n'importe quel prix et sans le moindre effort. Ces farces sautent allègrement d'un établissement à un autre et miroitent les rêves les plus incroyables. Le plus optimiste persistera : « Il n'y aura pas de grève à la rentrée, c'est le ministre lui-même qui l'a certifié aux chefs d'établissements ! ». C'est la fraîche nouvelle qui est en train de faire fureur en ce moment. Comme quoi, c'est le premier responsable du secteur qui va mettre fin à la cabale en proclamant bientôt le régime indemnitaire tant différé, dans un discours solennel adressé aux enseignants. Tant mieux, on croise les bras et on sirote le thé comme disait un célèbre dicton. La rumeur est vite immobilisée mais seulement pour un petit moment de répit, elle reprendra de plus belle son effet dévastateur dès que le vide est créé. Invulnérable, sensationnelle et intraitable rumeur ! Elle court, elle court ! Tel un serpent dans tous les sens. INDEMNITES À LA MESURE DES ASPIRATIONS ? Si l'on poursuit cette logique, ces indemnités seront-elles en fonction des attentes et des aspirations des enseignants et des assurances des pouvoirs publics qui avaient maintes réitérés leurs promesses ? Continuons-nous à croire au père Noël ? Le problème des salaires sera-t-il réglé définitivement comme le ministre l'avait prédit lors de ses anciennes interventions ? Personne ne pourra le prophétiser ni deviner complètement les intentions des uns et des autres. Cependant, les enseignants chercheurs redoutent que les choses reviennent au point zéro avec une inflation, pas l'officiel, qui ne cesse de galoper. Pourquoi retient-on nos revenus de puis le 1er Janvier 2008 ? Est-ce que le Dinar d'il y a 3 ans vaut-il le même Dinar qu'aujourd'hui ? Pourquoi joue-t-on au chat et à la souris avec nous alors que messieurs les députés avaient déjà perçu leurs passifs en septembre 2008 sans qu'ils soient concernés par le même effet rétroactif que les fonctionnaires mais acquis de droit et réglé depuis un demi lustre ? Non seulement, leurs salaires sont 5 à 10 fois plus importants mais le trop perçu encaissé en 9 mois leur permet d'acquérir à l'époque un petit logement dans une ville moyenne. Peuvent-ils l'acheter au même prix à l'heure actuelle où les tarifs des matériaux de construction se sont envolés ? La seconde catégorie d'enseignants n'y croit plus à ce qui se trame derrière les rideaux du ministère. « Moi je n'y pense plus à ces indemnités tellement j'ai perdu toute conviction » Avise le premier désespéré. « Tandis que pour moi, il n'y aura ni les indemnités dans les prochains jours ni encore moins l'effet rétroactif quoique annoncé tambours battants à peine quelques mois auparavant » proclame le second affecté. « J'ai perdu toute confiance et on ne fait plus attention à ce qu'ils affirment, c'est du khroti fi khroti » grossit-il ses dires d'une mine complètement déprimée. Rappels des faits Les enseignants chercheurs militent et se battent depuis plus de 20 années pour un statut particulier qui est venu presque deux années après l'avènement du statut général de la fonction publique en Juillet 2006. Entre temps, c'est la nouvelle grille nationale des salaires qui a été promulguée en Septembre 2007. Cette grille dont les enseignants chercheurs avaient placé en elle d'énormes espoirs avait énormément déçu le premier optimiste. C'était alors une montagne qui avait accouché d'une maigre souris. Le ministère discourait à l'époque d'avant le statut que tous les problèmes salariaux ne pouvaient être résolus qu'à travers le cadre du statut particulier. Pour le moment, on n'en a vu que du feu. Après avoir difficilement avalé la couleuvre, les enseignants du supérieur se sont résolus à s'accrocher à leur dernière chance que représente le régime indemnitaire. Le discours du président de la république lors de l'ouverture de l'année universitaire écoulée a semble-t-il donné des éclairages sur les intentions des politiques afin que les enseignants chercheurs puissent enfin se consacrer pleinement aux énormes défis qui attendent le pays. En vain, les enseignants universitaires attendent toujours. C'est une lutte qui n'a pas l'impression de se terminer dans l'immédiat. A quand le bout du tunnel ?