Un club de foot, c'est des joueurs, un entraîneur, mais d'abord un encadrement qui trace un projet sportif et économique. Les clubs de l'ouest ont déserté ce terrain. Tedj Bensaoula est un homme très pondéré. En plus de son talent de buteur, l'ancien international algérien était plus réputé pour son sens de la mesure et sa modestie que pour ses frasques. Après une carrière honorable, il avait été tenté par une carrière d'entraîneur, dirigeant même l'équipe nationale, mais cela ne semble pas lui réussir. Son parcours a connu, il y a un mois, une mésaventure assez originale. A encore un journal spécialisé, Bensaoula avait été fortement chahuté par des supporters qui l'ont sérieusement agacé. Contraint de se défendre, il a fini par manier le bâton pour corriger les malotrus et rétablir son honneur. Mais il a tout de même fini par rendre le tablier, car l'environnement de l'équipe qu'il entraînait était devenu tellement malsain que parler de football, de tactique, de système de jeu et de travail de fond n'avait plus aucun sens. Ce qui est arrivé à Tedj Bensaoula révèle bien l'évolution de tout ce qui entoure le football, particulièrement dans l'ouest du pays, où de nombreux clubs ont touché le fond en termes de gestion et d'organisation, privant de nombreuses villes de clubs de football de haut niveau. Certes, le niveau de gestion du sport a régressé dans tout le pays, mais les clubs de l'ouest sont en tête quand il s'agit de créer et d'entretenir la pagaille. Sur seize clubs de première division, l'ouest ne fournit que trois équipes : le Mouloudia d'Oran, le WA Tlemcen et le MC Saïda, contre sept pour le centre et six pour l'est. Et encore ! Ce chiffre était encore plus faible la saison écoulée, avant l'accession du MCS. Le fond avait été atteint il y a trois ans, après la relégation du Mouloudia d'Oran. Seul le MC Saïda, comme équipe de l'ouest, jouait alors en première division ! Le résultat de cette débandade se fait sentir de multiples manières. Ainsi, assiste-t-on, par exemple, à un exode massif de joueurs de l'ouest vers les clubs du centre et de l'est. Sur le plan sociologique, cette migration est un signe de modernité autant qu'un révélateur de la marchandisation du sport. Mais pour les clubs de l'ouest, c'est l'hécatombe. Un dirigeant d'un club algérois avoue qu'avant chaque mercato, il fait le tour des joueurs de l'ouest susceptibles de l'intéresser, aussi bien ceux qui jouent dans des clubs de l'ouest et veulent partir, que ceux qui sont déjà partis et se sentent mal à l'aise dans leur club actuel. Ce mouvement de départ collectif fait que chaque club de première division a, désormais, son quota de joueurs de l'ouest. A El-Harrach, tout l'axe de l'équipe est désormais constitué de joueurs venant de l'ouest, essentiellement d'Oran, avec Sofiane Hanister, Boualem Hamia et Salim Boumechra. Le succès de ces joueurs montre que ce n'est pas leur valeur individuelle qui est en cause. Bien au contraire, le talent est présent un peu partout. L'ES Sétif a d'ailleurs dépensé une fortune pour s'assurer le service de joueurs du WA Tlemcen. Ce n'est pas l'argent non plus qui fait défaut, comme certains raccourcis pourraient le laisser supposer. Un peu partout, les équipes bénéficient, en gros, des mêmes revenus : subvention de la commune et de la wilaya, revenus du sponsoring assuré par les compagnies de téléphone, droits de retransmission télé, etc. Du reste, Tlemcen et Saïda n'ont pas d'atouts particuliers à faire valoir, comparées à d'autres villes comme Tiaret, Sidi Bel-Abbès, Mostaganem, Relizane ou Mascara. Pourtant, les unes parviennent à garantir une certaine présence au sein de l'élite, alors que les autres ont été oubliées. Entre Tlemcen et Sidi Bel-Abbès, il n'y a plus de comparaison sur le terrain du football. La raison en est simple : à Tlemcen, des dirigeants ayant un véritable projet sportif et économique ont pris les commandes du club il y a dix ans. Et même s'ils ont été éjectés depuis, le résultat de leur démarche persiste encore. Ce n'est donc ni une affaire d'argent ni de talent. C'est une manière de gérer le sport qui est en cause. Les clubs de l'ouest font preuve d'une incroyable indigence. Leur imprévoyance atteint les sommets. Ce n'est pas un hasard si la nouvelle règle imposant un diplôme de troisième degré aux entraîneurs de première division a fait deux seules victimes : Chérif El-Ouazzani et Fouad Bouali. Sur ce terrain précis, l'imprévoyance des deux clubs a atteint un niveau rarement égalé. Et ce n'est pas un hasard non plus si aucune équipe de l'ouest n'a remporté le championnat d'Algérie depuis depuis si longtemps que je n'arrive pas à m'en souvenir.