Partagé entre la crainte des parents d'élèves, soucieux de la sécurité et du bien-être de leurs enfants, et la volonté de l'administration et de la famille éducatives de circonscrire la violence dans l'enceinte même de l'école, le phénomène a pris une telle ampleur qu'il devient difficile de l'occulter. La violence en milieu scolaire n'est plus ce sujet tabou qu'on évoque à demi-mot ou qui ne concerne que les autres pays. La violence sous toutes ses formes s'est incrustée au sein de l'Ecole algérienne pour devenir, à la fin, un élément du décor au même titre que le tablier ou la déperdition scolaire. «La violence a toujours existé dans les classes et en dehors, mais elle n'a jamais pris les proportions qu'on connaît ces dernières années», dira B. Amer, ancien instituteur, aujourd'hui à la retraite. Les exemples ne manquent pas pour illustrer une réalité que les professionnels du secteur ne peuvent plus occulter, alors que le dernier en date qui a eu pour théâtre le CEM Belezrag Mohamed à Haï Essabah, a vu les enseignants de l'établissement observer un arrêt des cours pour protester contre l'intrusion de 6 élèves déjà exclus du collège. Selon les premières versions, ces élèves se seraient introduits en classe pour menacer des enseignants qu'ils accusent d'être la cause de leur expulsion. L'encadrement de cet établissement a demandé, apprend-on, un renforcement des rondes de police aux alentours de cet établissement, en attendant que les postes de sécurité promis par la direction de l'éducation soient réalisés. Rappelons que le directeur de l'éducation avait annoncé lors d'un séminaire sur la violence en milieu scolaire, la création de postes de sécurité aux portes de tous les établissements scolaires et le renfort de la sécurité en engageant des agents pour cette mission. Une mission de «maintien de l'ordre» assimilée à une solution temporaire, puisque le mal est tellement profond qu'il faut une restructuration radicale du tissu scolaire et une approche toute nouvelle du dossier de la violence. B.Toufik, enseignant dans le lycée d'un quartier réputé sensible, avoue pour sa part que les textes en présence n'aident pas l'enseignant dans sa fonction. «On n'a pas le droit de faire sortir l'élève de la classe même s'il fait le c..., et certains en profitent. Il existe toujours des fortes têtes, des petits caïds qui confondent l'école avec la rue». Et les altercations, agressions physiques et autres brimades ne sont plus des exceptions dans le paysage scolaire oranais. «J'ai moi-même eu affaire à un élève de terminale qui a voulu m'agresser et on en est arrivé aux mains, c'est malheureux de le dire mais parfois on est amené à se rabaisser pour se faire respecter», ajoutera-t-il. Le rôle de l'administration est également montré de l'index, puisque, dans nombre de cas, elle préfère calmer le jeu et faire en sorte d'éviter les scandales. «Cette violence n'est pas née du néant, elle n'est que le prolongement de ce qui se passe dans la famille et la rue», analysera B.Sadek, sociologue. En effet, la violence semble s'être érigée en véritable mode de communication populaire, puisqu'il ne se passe pas un jour sans que le quotidien ne charrie son lot de faits divers plus sordides les uns que les autres. «La parole est ainsi cédée à la violence tous azimuts qui s'inscrit, malheureusement, en terrain conquis et dans la pérennité la plus absolue». En l'absence d'une canalisation effective de la violence, les Algériens se retrouvent livrés à eux-mêmes et le seul réceptacle à leur colère a pour nom le stade, l'école et la rue. Si la violence dans les stades n'est pas si nouvelle dans les mœurs belliqueuses des Algériens, la violence dans et autour des établissements scolaires est quant à elle différemment appréciée par les professionnels du secteur. Rappelons que de l'aveu du directeur de l'éducation de la wilaya d'Oran, la violence en milieu scolaire a débordé depuis le début de l'année dernière pour venir alimenter les colonnes des faits divers. Il avait précisé, lors d'un point de presse, que plus de 62 actes de violence morale et corporelle ont été enregistrés durant le premier semestre de l'année scolaire 2009, contre 71 cas enregistrés durant toute l'année précédente. Il détaillera cette cartographie de la violence scolaire en insistant sur le taux enregistré au niveau des CEM où plus de 36 cas ont été recensés depuis le début de cette rentrée scolaire. Le meurtre d'un jeune collégien tué par un camarade de CEM avait, rappelons-le, sonné l'alarme parmi le monde de l'éducation et avait même fait réagir Benbouzid qui avait appelé à une rencontre nationale contre la violence en milieu scolaire. Cette augmentation des cas qui touchent les CEM est justifiée par les spécialistes par la surcharge que connaissent les classes de ce cycle avec des classes où se côtoient jusqu'à 44 élèves. D'autres y voient les prémices d'un échec de la refonte scolaire dans sa formule première. Comme solutions préconisées par la tutelle pour lutter contre la violence en milieu scolaire, la création d'un atelier de formation des élèves dans la gestion des conflits, la communication et la médiatisation. Au rayon des solutions, figurait également la création de cellules d'écoute gérées par des psychologues de la santé publique et des conseillers d'orientation scolaire. Des activités de divertissement et des programmes de formation artistique devront voir le jour dans l'ensemble des établissements et seront financés par le ministère via le budget de la formation. Une batterie de suggestions mais aussi des mesures dissuasives pour endiguer cette violence qui gangrène lentement mais sûrement l'assise scolaire nationale jusqu'à en faire un vivier propice pour une génération portée de plus en plus vers la violence sous toutes ses formes.