Il est de bonne guerre qu'un Premier ministre en exercice fasse l'apologie de l'action gouvernementale entreprise sous sa conduite et présente sous des auspices optimistes celle qu'il projette d'entreprendre. Ahmed Ouyahia n'a pas dérogé à la règle dans la déclaration de politique générale qu'il a prononcée jeudi devant l'Assemblée populaire nationale. Consacrée pour l'essentiel à la problématique économique, cette déclaration met en exergue les réalisations enregistrées grâce à l'action gouvernementale dans le cadre de la politique de développement initiée à travers les différents programmes d'investissements élaborés et déjà mis en œuvre et trace les axes directeurs de celles escomptées avec le lancement du plan quinquennal 2010-2014. A s'en tenir au bilan esquissé par Ouyahia, l'action gouvernementale est méritoire et le sera davantage quand elle s'exercera en direction des «trois objectifs majeurs» qui seront sa priorité entre 2010 et 2014. Il s'agira, selon Ouyahia, «de porter la croissance du secteur agricole à 8% annuellement de manière stable et continue, et ensuite de relever de 5% à près de 10% en 2014 la part de l'industrie dans la valeur ajoutée globale qui se crée annuellement, et enfin poursuivre la réduction du chômage bien en deçà de 10% durant les cinq prochaines années». L'hémicycle devant lequel le Premier ministre a égrené le bilan de l'exécutif et énoncé les objectifs futurs visés par celui-ci, est dans sa majorité acquis à la version des choses, telle que présentée par Ouyahia. Il n'en demeure pas moins que la déclaration de politique générale dont il a été fait lecture jeudi suscite des questionnements au sein même de cette majorité acquise. Pour la raison qu'elle a fait l'impasse sur des problèmes sur lesquels Ouyahia et le gouvernement étaient attendus pour devoir s'expliquer. Celui de la corruption en particulier, qui a pris des propositions effarantes avec l'injection des sommes d'argent faramineuses dans les plans d'investissements mis en œuvre, et a donné lieu à des scandales qui ont éclaboussé l'Etat à son plus haut sommet et fait apparaître la faiblesse du système de contrôle et de suivi de la dépense de ces faramineuses sommes d'argent. Le silence d'Ouyahia sur ce problème a fait que les premières interventions de députés après son passage à la tribune se sont focalisées sur ce problème précisément. Il est d'autres silences du Premier ministre que les députés de l'opposition ne manqueront pas de souligner et d'exploiter à des fins polémiques. Ceux-ci ne manqueront pas en effet de reprocher au Premier ministre d'avoir occulté dans sa déclaration des sujets aussi sensibles que la donne économique nationale, sinon plus pour l'opinion publique. Tel celui de la situation politique bloquée du pays, ou celui de la vacance épisodique qui caractérise depuis des mois la conduite de l'Etat. Il est clair que la déclaration de politique générale lue par Ouyahia a été supervisée ailleurs, sinon totalement rédigée. Le Premier ministre a été en tout cas instruit à se cantonner à un canevas expurgé de références à des problèmes qui ne sont pas dans ses attributions. Lesquelles, on le sait, se limitent à coordonner le volet économique de l'action gouvernementale. Il ne faut pas être surpris si lors de leurs interventions, les députés de l'opposition baseront celles-ci pour l'essentiel sur ces questions politiques qu'Ouyahia n'a pas développées dans sa déclaration. Alors, il faudra bien décoder les réponses que le Premier ministre va devoir faire aux interpellations sur ces sujets que lui feront les députés de l'opposition.