L'assaut brutal contre le camp dressé près d'El Ayoun, au Sahara Occidental, donné par les forces d'occupation marocaines lundi matin à l'aube, a confirmé en tous points les cris d'alarme lancés dimanche, la veille, par le président de la RASD, Mohammed Abdelaziz, au secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon. Dans son message, Abdelaziz sollicitait en effet une intervention urgente des Nations unies, au motif qu'il disait entrevoir une menace d'escalade militaire contre les dizaines de milliers de Sahraouis s'étant regroupés dans ce camp pour protester contre leurs conditions sociales sous l'occupation marocaine. Une escalade, a-t-il averti, qui pourrait déboucher «sur un nouveau crime contre l'humanité et à une catastrophe humanitaire de premier plan». Les craintes exprimées par le président de la RASD se sont, hélas, avérées fondées. L'intervention des forces armées du Makhzen a été d'une violence inouïe contre les habitants du campement et les citoyens de la ville d'El-Ayoun qui tentaient de les rejoindre par solidarité. Il est difficile pour l'instant d'apprécier le bilan de cette répression barbare parce que les autorités d'occupation ont pris la précaution préalable d'interdire la présence aux alentours du camp à tout observateur étranger. Si massacre il y a, il a eu lieu à «huis clos». En tout cas, de nombreuses ambulances ont été vues faisant la navette entre le camp et la ville d'El-Ayoun. Preuve s'il en est que l'intervention des forces de sécurité marocaines a été opérée sans ménagement. Il est à remarquer que l'assaut donné au camp des protestataires sahraouis a eu lieu après le discours prononcé par le Roi du Maroc à l'occasion du 35e anniversaire de la «Marche verte», dans lequel il a proféré la menace qu'il ne laisserait quiconque «honteusement instrumentaliser les libertés dont jouit le Maroc pour porter atteinte à son intégrité territoriale». Déclaration que Mohammed Abdelaziz a, à juste titre, qualifiée de «feu vert donné par le monarque au Makhzen pour commettre de nouveaux crimes contre des milliers d'hommes, de femmes et d'enfants et des personnes âgées, pacifiques et isolés, qui ont seulement revendiqué des droits sociaux, économiques et politiques justes et légitimes». Ce n'est pas non plus sans calcul et arrière-pensée que le Makhzen a programmé son coup de force contre le camp de la révolte à quelques heures de l'ouverture de la troisième session de négociations informelles entre le Polisario et le Maroc dans la banlieue de New York. Ce timing pousse à la déduction que les autorités marocaines ont cherché à créer un «casus belli» susceptible d'inciter le Polisario à revenir sur son engagement à poursuivre la négociation placée sous l'égide des Nations unies. Malgré la gravité de la situation créée par l'assaut barbare de la force de répression marocaine, le Polisario ne se laissera pas toutefois imposer la politique de la «chaise vide». Ses représentants trouveront au contraire un argument imparable dans le comportement du Makhzen marocain à l'égard de leurs concitoyens regroupés dans le camp près d'El-Ayoun pour leur refus de plan «de large autonomie» que le Roi veut voir se substituer au référendum d'autodétermination. Sauf qu'il y a péril pour les milliers de personnes en butte à la répression déchaînée au signal du monarque, auquel les Nations unies se doivent de mettre un terme. Car, comme souligné par Mohammed Abdelaziz dans son message pressant à Ban Ki-moon, «l'ONU porte l'entière responsabilité pour mettre un terme à cette escalade dangereuse, afin d'empêcher les autorités d'occupation marocaines de commettre un nouveau crime contre l'humanité».