Critiqué par la société civile et l'opposition pour son attitude «honteuse» à l'égard des violences infligées par les forces marocaines aux civils sahraouis regroupés dans un campement de protestation pacifique à Laâyoune, le gouvernement de Madrid ne cesse de botter en touche. La militante sahraouie Aminatou Haïdar l'accuse, à juste titre, de collaborer à la «censure» du Maroc sur ce qui se passe au Sahara Occidental. La mise en avant de «l'intérêt de l'Espagne» par le gouvernement de Madrid n'est pas seulement une mise en application d'une défense à géométrie variable des droits de l'homme. Elle est aussi l'expression d'une faiblesse de l'Espagne à l'égard de Rabat. Mme Haïdar a noté qu'après la répression contre le camp de Laâyoune, le Maroc a montré qu'il était une «superpuissance à Madrid», tandis que le gouvernement espagnol a dévoilé «lamentablement sa faiblesse en matière des droits de l'homme». Mme Haïdar s'est étonnée que le gouvernement espagnol n'accorde pas d'importance à l'opinion des Espagnols qui montrent chaque jour leur solidarité avec les Sahraouis. La question n'est pas superflue. L'actuel gouvernement espagnol, qui s'est aligné sur la position de la France, totalement hostile à l'application des résolutions de l'Onu en matière d'autodétermination, ne peut décemment prétendre que l'opinion espagnole ne sait pas où se trouve l'intérêt de l'Espagne. Le gouvernement Zapatero n'est pas encore arrivé à cette assertion mais il tente de noyer le poisson dans l'eau en affirmant qu'il entend préserver son rôle de «médiateur» entre le Maroc et le Polisario. C'est, bien entendu, un discours creux et vide. A quelle médiation peut prétendre Madrid sur un dossier où la responsabilité de l'Espagne est clairement engagée? Le but de la médiation serait-il d'amener les Sahraouis à se soumettre, comme le fait le gouvernement de Zapatero, aux désirs de Rabat ? En réalité, l'Espagne n'a pas à jouer les médiateurs. Elle a une responsabilité vis-à-vis de la population sahraouie. Le gouvernement de Madrid, au lieu de tergiverser, doit dire clairement qu'il est toujours en faveur de la mise en œuvre du droit à l'autodétermination des Sahraouis. Tout le reste n'est que faux-semblant. Les journaux espagnols ne s'y trompent pas et dénoncent une attitude honteuse de la part du gouvernement. L'inconfort de Madrid est tellement évident que sa ministre des Affaires étrangères, Trinidad Jiménez, a demandé à Hillary Clinton une implication plus grande dans la question du Sahara Occidental. Elle a souhaité que le «groupe des amis du Sahara» donne une «impulsion politique» au dialogue entre le Maroc et les Sahraouis. C'est, de toute évidence, une manœuvre destinée à gagner du temps et à donner l'impression que l'on fait quelque chose à un moment où les Sahraouis montrent des signes d'impatience et sont tentés de reprendre la lutte armée. Quand un membre du Conseil de sécurité, abusant de son droit de veto, empêche une enquête internationale sur la répression à Laâyoune et s'oppose à l'exigence minimaliste de confier à la Minurso un rôle de surveillance des droits de l'homme, la patience proverbiale des Sahraouis est clairement poussée à l'extrême limite.