Sauf retrait de dernière minute de la part de ses animateurs, le site WikiLeaks, spécialisé dans la révélation de documents confidentiels, a dû commencer hier soir la publication des quelque trois millions de câbles diplomatiques américains de cette nature qu'il a assuré détenir. Cette perspective a mis en émoi Washington et fait souffler un vent de panique au secrétariat d'Etat américain, où l'on s'attend à ce que les révélations qui seront faites par la publication de ces câbles vont causer un tort terrible à l'image internationale des Etats-Unis et à leurs relations avec les Etats concernés par les correspondances des diplomates américains, ainsi étalées publiquement. Après avoir tenté par différentes voies de dissuader WikiLeaks de mettre en ligne les documents secrets qu'il s'est procurés, Washington s'est résigné à prendre contact avec certaines chancelleries pour amortir le choc que constitueront pour elles les contenus des correspondances et câbles des diplomates américains. Dans un premier temps, les autorités américaines avaient cherché à faire croire que la diffusion de ces documents est une «démarche dangereuse» car elle mettrait en péril des personnes. Leur publication imminente, malgré cette mise en garde, a obligé le secrétariat d'Etat à admettre qu'il se fait désormais des inquiétudes sur les retombées diplomatiques qu'elle va provoquer. Récemment, le site WikiLeaks s'était distingué aux dépens encore des Etats-Unis en divulguant quelque 400.000 de leurs documents confidentiels sur la guerre d'Irak, dont les contenus se sont avérés accablants sur la responsabilité américaine dans les luttes et affrontements entre les communautés de ce pays. Ceux que le site s'apprête à mettre en ligne vont être encore plus «désagréables», selon des sources, pour Washington car révélateurs de sa duplicité dans ses relations avec des Etats avec lesquels l'Amérique est censée être en bons termes ou alliée. Les révélations faites par WikiLeaks sont salutaires parce qu'elles permettront à ceux qui en doutaient encore que la politique internationale des Etats-Unis est loin d'être guidée par les nobles principes et considérations que ses dirigeants déclament publiquement en tous propos et en toutes circonstances. L'on mesure à cela leur gêne, voire leur affolement, devant la «crudité» des révélations attendues. La situation devant laquelle sont mis les Etats-Unis par le site WikiLeaks nous rappelle le fait historique créé en 1918 par les bolcheviks russes qui, après avoir pris le pouvoir à Moscou, ont, au grand dam des chancelleries européennes, rendu publics tous les documents et accords secrets afférents aux relations entre la Russie tsariste et les pays européens. Initiative qui avait permis déjà de mettre à nu la fausseté, le cynisme et le mépris des diplomaties occidentales de l'époque. Dans le cas présent, c'est celle de la première puissance mondiale ayant prétention d'instaurer un ordre mondial «juste et vertueux» qui est au ban des accusés. Tout ce que feront ou diront désormais les Américains dans le monde doit être pesé et estimé avec la conscience qu'ils sont passés maîtres dans l'art de maquiller leurs véritables intentions par le fard de promesses n'engageant que ceux ayant la naïveté de les prendre pour argent comptant.