Plus qu'un lieu de transaction et de commerce, le marché de gros des fruits et légumes, les halles centrales, représente un patrimoine de la ville d'Oran qui a vu défiler, au fil des années, des générations de mandataires, une profession qui se transmet de père en fils. Construit en 1943, ce marché sera bientôt fermé et transféré dans la commune d'El Kerma où une nouvelle infrastructure a été réalisée. Financé sur budget de wilaya, le marché devait s'inspirer des modèles français (Rungis), de Tunisie ou du Maroc. Mais, selon les mandataires, le marché est loin de répondre aux normes internationales du fait que l'étude a été élaborée et les travaux lancés sans la consultation des professionnels. Lors de la présentation du projet au ministre du Commerce, mercredi dernier, par le représentant du bureau d'études, M. Mustapha Benbadas a demandé : «Est-ce que vous vous êtes inspirés des marchés de renommée internationale tels que le Rungis ou les marchés de gros au Maroc ou en Tunisie ?» C'est avec beaucoup d'hésitation que le représentant du bureau d'études a répondu «oui». Deuxième question du ministre: «C'est la première fois que vous réalisez un tel projet ?»; la réponse a été également «oui». Tel que conçu par ce bureau d'études, le projet comporte neuf halles avec 216 box, un bâtiment de 20 chambres froides, une bâche à eau de 120 m, un bâtiment administratif, cinq guérites avec locaux, deux postes de contrôle, deux blocs sanitaires, bâtiment motel, un bâtiment douches publiques et cafétéria. Le coût global du projet a été estimé à 120 millions de dinars. Un nouveau marché de gros qui ne fait pas l'unanimité à quelques mois de sa réception. Bien avant son ouverture, les mandataires ont du mal à se familiariser avec ce nouveau lieu de travail s'étalant sur une superficie totale de 18 ha. Le lourd passif des halles centrales et la conception de la nouvelle structure risquent de contrarier le travail des professionnels à El Kerma. Les enjeux de ce transfert font craindre le pire aux mandataires qui attendent de voir ce que l'administration va décider concernant leur sort. Divisés en deux associations, la fédération des mandataires affiliée à l'UGCAA et l'Union des Associations des Commerçants et Artisans d'Oran (UACAO), ces professionnels ont des dettes s'élevant à 3,5 milliards de dinars auprès des impôts. Des dettes qu'ils sont tenus d'honorer avant leur déménagement. Un déménagement qu'ils ne voient pas d'un bon œil vu les réserves qu'ils ont émises sur l'architecture de la structure: des box de 48 m2 estimés trop exigus pour contenir la marchandise, l'éloignement du site, le manque de sécurité, la construction du marché à proximité de la décharge publique. Les mandataires ne rejettent pas la structure mais demandent une extension pour faciliter l'activité commerciale. Face à ces arguments avancés par les deux associations des mandataires, le directeur des halles centrales évoque, pour sa part, le lourd passif laissé par les mandataires dans l'ancien marché de gros: les dettes, les sous-locations, les registres de commerce non régularisés, le manque d'hygiène « Des problèmes qui sont restés sans solution jusqu'à présent. Selon ses déclarations, 95% des mandataires ont loué leurs box à des tiers. Ils avaient des box de 100 et 300 m2 qu'ils louent pour toute l'année. Pourquoi parler donc d'espace insuffisant pour leur activité commerciale?», dira-t-il. Sur les registres de commerce, il souligne que certains mandataires activent encore avec des registres de commerce de leurs pères décédés et n'ont pas entamé jusqu'à présent la procédure de régularisation pour la simple raison que cela demande la «faredha» et donc l'aval des héritiers. Il explique également que les halles centrales ont fait l'objet d'un arrêté de fermeture en 2005 qui n'a pas été appliqué depuis pour des raisons qui restent inconnues. Une chose est sûre pour le ministre du Commerce et le wali d'Oran, il n'est pas question de transférer les problèmes de l'ancien marché au nouveau. La situation doit être assainie avec le déménagement. La gestion du nouveau marché sera confiée, cette fois-ci, à une EPIC. Cinq dossiers de candidature ont été déposés jusqu'à présent au niveau de la wilaya. La question sera tranchée avant le mois de mars, date de réception du marché d'El Kerma.