La marche pacifique du RCD a été finalement empêchée. Pour y parvenir, les autorités ont eu recours à toutes les coercitions. Aux aurores, Alger offrait l'aspect d'une ville sous état de siège. Des policiers partout et des CNS en masse aux endroits prévus pour lieux de rendez-vous des manifestants. Les voies d'accès à la capitale en provenance de l'intérieur du pays ont été bouclées, les transports publics interdits de circuler. Malgré cela, des regroupements ont pu s'opérer au niveau de la place de la Concorde (ex-1er Mai) et devant le siège du RCD, rue Didouche Mourad. Il s'en est suivi des heurts avec les forces de sécurité qui ont procédé à leur dispersion. Heurts qui, selon Saïd Sadi, ont fait des blessés parmi les manifestants, dont plus d'une vingtaine ont été également interpellés et arrêtés par les services de police. La réaction du pouvoir était prévisible. Il ne pouvait tolérer la marche de contestation initiée par le RCD. Son déroulement aurait signifié son acceptation à l'occupation de la rue par les forces politiques et sociales revendiquant un changement de système et de régime. Mais s'il est parvenu à disperser la marche du RCD, il n'en a pas pour autant éteint le feu de la révolte citoyenne qui couve dans le pays. Ainsi, d'autres formations politiques et sociales se sont déclarées décidées à suivre l'exemple du RCD et ont pris rendez-vous pour une action nationale le 9 février prochain afin de revendiquer dans la rue la fin de l'état d'urgence, dont ce sera le 19e anniversaire de son instauration. Contagion ou pas de la Révolution du jasmin en Tunisie, il est indéniable que la société civile, des organisations syndicales et des partis politiques se réveillent de la léthargie dans laquelle ils ont sombré après le verrouillage opéré par le pouvoir à toute forme de contestation. Face à leur réveil et dans le contexte frondeur qui prévaut dans le pays, il va devenir impossible au pouvoir de réagir à sa remise en cause uniquement par la répression. L'intelligence voudrait que ce pouvoir accède à certaines revendications exprimées par une bonne partie de la classe politique et ayant de la résonance au sein de l'opinion publique, avant qu'elles ne deviennent enjeux de confrontation avec la rue pour théâtre. Il semble que Bouteflika ait opté pour cette anticipation. Mais un simple changement de gouvernement, comme l'intention lui est prêtée, ne fera nullement retomber la fièvre contestatrice qui agite le corps social. Tout comme les mesures de baisse des prix de l'huile et du sucre décrétées suite aux récentes émeutes n'ont pas contribué à calmer la tension sociale, un simple changement gouvernemental ne sera d'aucun effet sur la contestation politique qui s'amplifie dans le pays. Ce que les Algériens revendiquent et exigent va au-delà de cette simple cautère, si c'en est une. Ils veulent que le pays s'ouvre réellement à la démocratie, à la liberté d'expression, aux droits de l'homme, civiques et individuels, à l'Etat de droit, à la fin de l'injustice. Autant d'aspirations qui sont antinomiques avec le système et le régime dont Bouteflika est le symbole. Autant dire que celui-ci ne peut, pour ce qu'il est, concrétiser ces aspirations. A moins que, n'ayant plus rien à perdre, il chercherait à se faire une place reluisante dans l'histoire du pays, plutôt que celle d'un potentat qui aura jusqu'au bout fermé les portes de l'espoir à son peuple. Les jours et semaines à venir nous diront ce qu'il en est.