Après avoir signalé sa volonté de faire une pause, la Banque centrale européenne (BCE) devrait, quand même, abaisser son taux directeur, la semaine prochaine, face à la dégradation alarmante de l'économie en zone euro. «Etant donné la chute de l'inflation, et l'effondrement des indicateurs économiques, il semble désormais possible que la BCE réduise d'un demi-point son principal taux d'intérêt» dès la réunion du 15 janvier, estime Christoph Balz, économiste à la Commerzbank. La majorité des analystes penche pour ce scénario, mais la chose est loin d'être entendue. Les gardiens de l'euro n'ont pas, comme à leur habitude, ouvert explicitement la voie à un tel geste. Au contraire. Il convient d'attendre un peu pour voir comment les baisses de taux précédentes agissent sur l'économie réelle, avait redit, fin décembre, le président de l'institution, Jean-Claude Trichet, ne laissant guère de doute sur la préférence du conseil en faveur d'un statu-quo en janvier. Son chef économiste, Jürgen Stark, avait même laissé entendre qu'il ne se passerait rien avant mars. La BCE, réputée conservatrice par rapport à ses grandes homologues mondiales, a déjà abaissé, à trois reprises, son taux, d'octobre à décembre. De 4,25%, il est tombé à 2,50%, à une vitesse jamais vue jusque là dans l'histoire de l'institution, âgée de dix ans. Le Conseil des gouverneurs pourrait avoir du mal à se résoudre à une quatrième baisse d'affilée. Ses membres paraissent divisés, note l'analyste de la Commerzbank, si bien que «la décision de la semaine prochaine sera, probablement, serrée». Pourtant, beaucoup d'éléments plaident en faveur d'un nouveau geste agressif de la BCE. L'inflation a ralenti en décembre, à son plus bas niveau depuis plus de deux ans, avec un taux de 1,6% sur un an, désormais en dessous de l'objectif de l'institution, qui vise un taux inférieur mais proche de 2%. Et à chaque nouvelle statistique, la zone euro paraît plus gravement atteinte que redouté. Ainsi, la confiance des chefs d'entreprises et des consommateurs s'est effondrée en décembre, à un niveau jamais atteint. Le taux de chômage, avec 7,8% en novembre, n'avait pas été aussi élevé depuis 2006. Jean-Claude Trichet l'a, d'ailleurs, reconnu. «Il est clair que nous avons eu une détérioration significative de l'économie réelle», a-t-il dit, dans un récent entretien au magazine américain Institutional Investor. «Ce qui me frappe, c'est que les prévisions les plus récentes sont aussi les plus pessimistes», a ajouté le Français. Un changement de ton, également perceptible chez le vice-président de la BCE, le grec Lucas Papademos, qui «rend une baisse, la semaine prochaine, probable», avance Stephane Deo, d'UBS. En outre, la BCE ne va pas pouvoir longtemps résister aux conséquences des baisses de taux de ses homologues, en particulier de la Réserve fédérale, et de la Banque d'Angleterre. Alors que les gardiens de l'euro rechignaient à s'engager à de nouvelles baisses de taux, la Fed a ramené son taux proche de zéro. Le tout a «joué un rôle important dans l'appréciation de l'euro» ces dernières semaines, souligne M. Deo. La force de la monnaie unique, face au billet vert, mais aussi à la livre sterling est, à terme, préjudiciable aux exportateurs, à un moment où la demande mondiale freine, déjà, fortement. «La Fed exporte de facto sa politique monétaire», argumente l'analyste. Pour lui, la BCE va devoir diminuer très fortement son principal taux, jusqu'à 1% d'ici le printemps. Elle n'est, jusqu'ici, jamais descendue en dessous de 2%.