Rezki Zerarti, affable, d'abord facile mais pas du tout disert. Pas la peine de lui demander de parler de sa peinture. Encore moins de se lancer dans les théories de l'art plastique. Il est autodidacte. Par conséquent, il n'appartient et ne se revendique d'aucune école picturale. Salah Hioun, son ami de quarante ans, plasticien lui aussi, définit l'œuvre de Rezki de « peinture instinctive ». Il se permet de la ranger dans le même chapitre que la peinture de Baya et Chaïbia, la marocaine. Mais à voir de plus près, on ne retrouve pas la même « naïveté » chez Rezki que chez les deux dames. Certes, ils sont tous les trois de très grands coloristes. Mais pas pour les mêmes raisons. Rezki, selon les dires de Hioun, excelle dans les nuances du vert et du bleu. Quelques tableaux exposés actuellement par la Galerie Lotus, dans le cadre de la rétrospective consacrée à Zerarti, en témoignent. Ce qui explique cette propension pour l'usage du vert et bleu est la proximité du peintre avec la mer. Son regard est abreuvé des couleurs de l'eau et des algues. La place du monde aquatique dans la peinture de Zerarti est perceptible à un autre niveau. Certains de ses tableaux sont hantés par des sortes de têtes d'oiseaux marins. Il faut de la patience et du doigté pour arracher un tel détail à ammi Rezki. Mais cette dimension méditerranéenne n'enterre définitivement d'autres. L'africaine notamment. La couleur ocre de la terre est elle aussi très présente dans les toiles de notre peintre. On y trouve des masques et des figures africaines. Dans d'autres toiles, on décèle même des figures référant à des peintures rupestres qui renvoient au grand sud algérien. Parce qu'Arezki peint en fonction de l'inspiration du moment sans s'astreindre à répondre à des considérations de style ou de chapelle. D'ailleurs, le grand nombre de toiles exposées, peintes à des époques différentes, rend leur lecture difficile. Juste en se référant aux couleurs, on peut repérer les moments où le peintre était apaisé. Ce qui se traduit par l'usage des couleurs pastelles. Dans d'autres, on sent presque son bouillonnement intérieur et son recours aux couleurs criardes. Mais exprimer ses états d'âme, ammi Rezki instrumentalise aussi le rythme et le geste. Certaines toiles, notamment celles qu'on peut ranger dans la catégorie « aquatique » sont extrêmement cadencées. Il n'y a pas que la nature qui inspire Rezki. L'humain, ou plus exactement le féminin, est présent dans son œuvre. Quelques unes de ses peintures sont faciles à décrypter. Des formes qui rappellent le ventre de la mère, la grossesse ou plus exactement la fécondité. Hioun nous apprend que Zerarti, perfectionniste malgré son caractère autodidacte, confectionne lui-même le support sur lequel il peint. A la place de la toile conventionnelle, il prépare lui-même son matériau à partir de la toile de jute. Ce qui suppose que son travail dépasse de loin le simple exercice du badigeonnage. Toute sa technique réside dans sa capacité de faire traduire à son pinceau ce que lui dicte son instinct. Rezki Zerarti doit en quelque sorte à Jean Sénac sa carrière de peintre, vieille maintenant de plus de quarante ans. En le rencontrant avec son chevalet en pleine rue, le poète maudit permet au jeune Rezki d'exposer à l'espace « Cofica ». C'était juste au lendemain de l'indépendance. Depuis, Rezki n'a pas quitté sa passion pour la couleur. Au contraire, il l'a mise au service des déficients mentaux pour les soulager de leur angoisse. Une expérience qui mérite d'être relatée autrement.