En Libye, c'est un grand remake de ce qui s'est passé en Irak. Un déluge de feu et de fer sur l'armée de Kadhafi. Les forces armées d'une coalition internationale menée par les Etats-Unis, la France et la Grande-Bretagne bombardent depuis samedi en fin de journée des dizaines de cibles militaires en Libye. Mais, les événements ont vite fait de se transformer, selon les observateurs, en véritable guerre internationale contre le régime de Mouammar Kadhafi, qui ne veut pas cependant quitter le pouvoir. Dimanche, alors que plusieurs raids de l'aviation américaine, française et britannique étaient en cours, le capitaine de corvette James Stockman, porte-parole de l'US Africa Command à Stuttgart, en Allemagne, avait annoncé qu'au moins 20 cibles visées samedi soir lors des premières frappes américaines contre la Libye ont été atteintes. "Vingt des 22 cibles visées ont été atteintes, et les deux autres font encore l'objet d'analyses", a déclaré le capitaine. Avions furtifs déployés dans le ciel libyen "Nous avons attaqué des systèmes clés de la défense antiaérienne et des sites de missiles SAM près de Tripoli, de Misrata, et de Syrte", a ajouté le porte-parole du quartier général américain chargé de la coordination des opérations alliées contre la Libye. La première phase des frappes menées contre la Libye est "un succès" et a permis d'instaurer une zone d'exclusion aérienne, avait déclaré auparavant le plus haut gradé américain, l'amiral Michael Mullen, sur la chaîne de télévision américaine ABC. Samedi soir, les forces américaines et britanniques ont tiré 124 missiles de croisière à partir de navires et de sous-marins contre les 22 cibles. Il a souligné que depuis deux jours aucun appareil libyen n'avait quitté le sol et que la zone d'exclusion aérienne était en place. L'amiral Mullen a également indiqué que les forces fidèles au dirigeant libyen Mouammar Kadhafi avaient "stoppé leur avancée" sur Benghazi, principale ville de l'Est libyen et bastion des insurgés qui essayent de renverser le régime. Dimanche, de nouveaux raids de la coalition étaient en cours, alors que le porte-avion français Charles De Gaule avait appareillé du port de Toulon vers les côtes libyennes. Dix-neuf avions américains, dont trois bombardiers furtifs B2, ont attaqué des objectifs en Libye dimanche à l'aube, a déclaré un porte-parole de l'US Africa Command à Stuttgart, en Allemagne. Les raids ont été conduits par "trois B2 de l'armée de l'air américaine, ainsi que par des F-15 et F-16 de l'armée de l'air, et par un AV8-B des Marines", a déclaré Kenneth Fidler. Les cibles visées par les chasseurs-bombardiers étaient "principalement des terrains d'aviation et leurs systèmes de défense antiaérienne", a ajouté le porte-parole. Frappes aériennes «pas pour chasser Kadhafi» Les frappes aériennes de la coalition en Libye n'ont pas pour but de "chasser Kadhafi du pouvoir" mais de "protéger les civils" libyens, a affirmé dimanche le plus haut gradé américain, l'amiral Mike Mullen, sur la chaîne Fox. "C'est certainement une possibilité" a, par ailleurs, répondu le chef d'état-major interarmées interrogé sur NBC sur le fait que le colonel Kadhafi puisse rester au pouvoir à l'issue de l'intervention de la coalition. "Les objectifs de cette campagne pour l'instant sont limités et il ne s'agit pas de le chasser du pouvoir", a-t-il poursuivi dans l'émission "Meet the Press". "Le but du Conseil de sécurité des Nations unies était vraiment Benghazi et la protection des civils", a-t-il rappelé. "Il ne s'agit pas de chasser Kadhafi lui-même ou de l'attaquer à ce moment précis", a poursuivi l'amiral Mullen. "Il s'agit d'accomplir des objectifs relativement limités afin qu'il cesse de tuer son peuple et que l'aide humanitaire puisse se frayer un chemin", a-t-il insisté. La prochaine étape des frappes de la coalition contre les forces pro-Kadhafi consistera à attaquer leurs lignes de ravitaillement pour limiter leur capacité à se battre, a déclaré l'amiral Michael Mullen. Après une première vague de frappes contre ses défenses antiaériennes et des blindés près des lignes des insurgés, "nous allons essayer de couper ses lignes de ravitaillement", a déclaré l'amiral. "Ses forces sont pas mal éparpillées entre Tripoli (à l'ouest du pays, ndlr) et Benghazi et nous allons essayer de couper le soutien logistique à partir de demain", a précisé l'amiral. "Nous sommes maintenant dans une situation où ce que nous allons faire dépend en partie de ce que lui fait", a-t-il ajouté. Tripoli veut une réunion d'urgence de l'ONU Sur le terrain, des chars éventrés, des canons d'artillerie calcinés, mêlés à des cadavres de combattants africains portant des uniformes kakis étaient visibles dimanche dans un champ bombardé, aux portes de Benghazi, le bastion de l'opposition libyenne, dans l'est du pays. C'est ici, à 35 km à l'ouest de Benghazi que des avions français ont frappé dimanche dès le lever du jour des dizaines de véhicules militaires stationnés des forces de Mouammar Kadhafi, selon un habitant. L'opération aérienne menée par des avions de la coalition internationale, "des chasseurs français", selon l'opposition, a débuté vers 05h30 locales (03h30 GMT) et a duré environ deux heures. Beaucoup de curieux, habitants de Benghazi, se pressent dans la matinée autour d'un char T72 et d'un T55, et d'un camion lanceur de roquettes GRAD, immobilisés et devenus inoffensifs. Après le début des frappes aériennes, la Libye a demandé officiellement une réunion d'urgence du Conseil de sécurité, alors que les Kadhafi promettent une sanglante vengeance contre les pays membres de la coalition internationale. Mais, Seïf Al-Islam, un des fils de Mouammar Kadhafi, a exclu dimanche d'abattre des vols civils en Méditerranée en représailles à l'opération des pays occidentaux contre son pays, dans un entretien diffusé par la chaîne de télévision américaine ABC. "Ce n'est pas notre objectif", a déclaré le fils du dirigeant libyen, comme on lui demandait si Tripoli entendait frapper des cibles occidentales, notamment des vols commerciaux en Méditerranée. L'Occident s'est laissé abuser par "un gros malentendu" sur la situation politique en Libye, a déclaré Seïf Al-Islam dimanche par la chaîne américaine ABC, sur laquelle il s'est dit "surpris" par l'offensive alliée. Ecartant la possibilité que son père quitte le pouvoir, Seïf Al-Islam a assuré que "le pays tout entier est uni contre les milices armées et les terroristes. Les Américains et les autres Occidentaux sont en train de soutenir les terroristes et les milices armées". "C'est un gros malentendu", a-t-il dit. Moscou accuse La Russie a appelé dimanche de son côté la coalition internationale à cesser de recourir à la force de manière "non sélective" et de faire ainsi des victimes civiles en Libye, selon le porte-parole de la diplomatie russe, Alexandre Loukachevitch. "Dans le cadre des frappes aériennes en Libye, des attaques ont aussi été lancées sur des objectifs à caractère non militaire", selon un communiqué. En conséquence, "48 civils ont été tués et plus de 150 blessés", précise le texte. C'est pourquoi "nous appelons les pays concernés à cesser de recourir à un usage non sélectif de la force", poursuit le porte-parole. Un centre médical, spécialisé en cardiologie, a également été en partie détruit et des routes et des ponts ont été endommagés par les frappes, selon ce porte-parole russe, qui a ajouté qu'il ''est inadmissible d'utiliser le mandat du Conseil de sécurité (...), afin de mener à bien des objectifs qui vont clairement au-delà de ses dispositions, prévoyant uniquement des mesures pour protéger la population civile". Le secrétaire général de la Ligue arabe Amr Moussa a critiqué hier les bombardements de la coalition, estimant qu'ils s'écartent "du but qui est d'imposer une zone d'exclusion aérienne". M. Moussa a également annoncé que des consultations étaient en cours pour la tenue d'une réunion d'urgence de la Ligue. "Ce qui s'est passé en Libye diffère du but qui est d'imposer une zone d'exclusion aérienne, et ce que nous voulons c'est la protection des civils et pas le bombardement d'autres civils", a-t-il déclaré à des journalistes. Enfin, l'Union africaine a demandé la cessation immédiate des frappes aériennes en Libye.