Après Belkhadem qui nous a servi la théorie du «changement dans la continuité», Ahmed Ouyahia nous a vendu celle qu'il n'y a pas nécessité tout simplement «de changer le système politique». Invité mercredi de l'émission «Hiwar Essâa» de la télévision nationale, le premier responsable du RND a en effet déclaré que son parti «s'opposait à ceux qui appellent à un changement du système politique dans le pays» en faisant valoir que, selon lui, «l'Algérie ne vit pas une crise politique mais plutôt des crises sociales qui ne nécessitent ni la dissolution du Parlement ni un changement de système». Quid alors des réformes politiques à venir annoncées par le chef de l'Etat dans son message à l'occasion du 19 mars ? Les sorties de Belkhadem et d'Ouyahia sur le sujet ont, nous semble-t-il, eu pour but de faire comprendre à l'opinion nationale qu'il ne faut pas se bercer d'illusion sur le caractère «révolutionnaire» des réformes annoncées et donc attendues. Ni le patron du FLN ni celui du RND n'auraient eu l'audace de s'exprimer ainsi qu'ils l'ont fait s'ils avaient été dans l'ignorance des intentions en la matière du président Bouteflika. Qu'ils aient ou non pris part aux réunions tenues par le président de la République consacrées, selon les observateurs, au processus de réformes politiques qu'il entend engager en réponse à l'ébullition que le pays connaît, ils sont parfaitement renseignés du contenu qui va être celui de ces réformes annoncées. Les deux responsables de partis de la coalition présidentielle nous ont fait savoir que si réformes il y aura, ce ne seront pas celles que des acteurs et forces politiques de l'opposition ont développées et qui, à quelques nuances près, convergent dans la revendication d'une rupture totale avec le système en place. L'un comme l'autre jugent ces propositions inadaptées à la réalité nationale qui, à leurs yeux, n'est nullement comparable à celles des autres Etats du monde arabe où l'ébullition s'est transformée en révolte populaire contre les systèmes en place. Cette lecture de la situation nationale est celle du pouvoir dans sa globalité. Selon cette lecture, les émeutes de janvier dernier ne véhiculaient aucune revendication d'ordre politique. Elle serait d'autant plus juste pour le pouvoir que la rue algérienne n'a pas répondu après ces émeutes aux appels à la contestation politique lancés par des formations politiques de l'opposition et des organisations sociales. A se demander si finalement ce pouvoir ou ses relais ne seraient pas derrière la soudaine floraison de mouvements de revendications à caractère social que connaît le pays ces derniers temps. Cette effervescence sociale tombe en effet à pic pour donner du crédit, du moins auprès d'observateurs étrangers, à l'analyse qui est celle du pouvoir sur la situation en Algérie. Dans ce climat en Algérie où prédominent en apparence les revendications sociales, l'agitation politique et les squelettiques manifestations qu'elle génère, il peut paraître effectivement que les Algériens ont d'autres urgences et d'autres chats à fouetter que de faire la contestation politique du système et du pouvoir. L'ébullition sociale, aussi étendue qu'elle soit, est gérable par ce pouvoir qui dispose de la cagnotte financière nécessaire. C'est ce que Ouyahia a laissé entendre au cours de ses interventions à l'émission «Hiwar Essâa». Quitte à ce que cela se fasse au détriment de l'intérêt national. Le pouvoir n'a qu'un objectif : gagner du temps et empêcher la jonction entre revendications sociales et politiques. L'inertie et le manque d'audace de ses détracteurs politiques sont les alliés de sa stratégie.