Laurent Gbagbo, le président ivoirien sortant, est fini. Son départ au moment où nous écrivons est question d'heures. Il en sera de même à plus ou moins longue échéance pour le leader libyen Muammar El-Kadhafi. Ces deux aboutissements vont faire pousser des «cocoricos» pleins de suffisance à la France sakozyenne. Sauf qu'elle risque de vite déchanter au vu de ce qui va se passer en Côte d'Ivoire et en Libye après les chutes de Gbagbo et de Kadhafi. Dans les deux cas, la France a mis les doigts dans un engrenage dont elle sera incapable de se dépêtrer et dont les développements n'augurent rien de bon pour ses intérêts nationaux dans ces deux pays et même ailleurs. Il n'y a pas que la France comme acteur étranger impliqué dans les crises ivoirienne et libyenne. Il se trouve néanmoins que Paris y joue, pour différentes raisons, un rôle moteur qui ne lui vaut pas qu'approbation et satisfecit. Les départs de Gbagbo et de Kadhafi ne signifieront nullement la fin des crises que vivent la Côte d'Ivoire et la Libye. Ces crises se sont muées en guerres civiles qui ne cesseront pas dès l'éviction de ces deux hommes d'Etat qui en furent à l'origine. Leurs partisans dénoncent, à tort ou à raison, la France d'avoir outrepassé les mandats onusiens qui ont rendu possible sa participation aux interventions internationales destinées à chasser leurs «héros» nationaux respectifs et sous couvert desquelles elle a en fait appliqué ses propres plans. En Libye et en Côte d'Ivoire, il est vite apparu effectivement que Paris s'est fixé d'autres objectifs que celui de faire respecter les résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU afférents à ces deux pays. Ni l'Elysée ni le Quai d'Orsay n'en conviennent évidemment : Paris se prétend respectueux de la légalité internationale incarnée par l'ONU. Mais dans les deux cas, en Côte d'Ivoire et en Libye, c'est sa diplomatie qui a fortement contribué à rendre impossible une solution pacifique négociée de leur crise nationale et fait le forcing pour la confrontation militaire avec les régimes de Gbagbo et de Kadhafi. Pour les camps tant en Côte d'Ivoire qu'en Libye, qui estiment être victimes d'une ingérence étrangère injustifiée, c'est la France qui la symbolise à leurs yeux. Outre qu'ils ne vont pas désarmer malgré leur défaite, ils feront de la France et de ses intérêts la cible de leur combat. Il apparaîtra alors rapidement que Nicolas Sarkozy a endossé pour son pays un rôle qui aura des répercussions négatives sur sa politique africaine et arabe. Dans l'immédiat, il a peut-être engrangé un petit bénéfice en faisant grimper de quelques points sa cote de popularité dans l'Hexagone. Mais quand les Français se rendront compte que l'activisme agité de leur président aura contribué à générer les impasses dans lesquelles vont se retrouver la Côte d'Ivoire et la Libye, alors le retour de manivelle n'en sera que plus brutal. En faisant prendre à la France une position en flèche dans les deux crises, Nicolas Sarkozy et ses diplomates ont cru que cela lui permettra d'être influente dans la Libye post Kadhafi et de conserver celle prépondérante qu'elle a en Côte d'Ivoire. Un calcul de courte vue qui n'a pas tenu compte des rancoeurs et des haines que l'agitation française suscite et pas seulement dans ces deux pays. Plus qu'un Etat ayant apporté sa contribution à la réalisation de décisions émanant du consensus onusien, la France sarkozyenne est perçue comme un pays qui n'a pas renoncé à jouer à la grande puissance capable d'imposer ses volontés. Quitte à renouer avec son passé colonial et ses pratiques contraires aux droits des peuples et de l'homme.