L'engagement massif des travailleurs dans la revendication sociale et leur choix d'en confier l'expression et l'organisation à des syndicats autonomes, sans liens organiques avec le pouvoir, traduisent la «réappropriation par eux des droits aux négociations», comme l'a si justement déclaré Louisa Hanoun, la secrétaire générale et porte-parole du Parti des travailleurs. Des droits dont ces salariés ont décidé de ne plus déléguer la défense à la centrale UGTA, qui de ce fait se retrouve totalement dépassée par la dynamique de lutte sociale dont le monde du travail est la scène. Cette réalité, les pouvoirs publics persistent néanmoins dans leur refus de la prendre en compte et à vouloir régler la contestation sociale sans établir de dialogue et de concertation avec les syndicats autonomes qui en sont les acteurs agissants et parlants qualifiés, parce que dûment mandatés par l'écrasante majorité des travailleurs engagés dans le mouvement. C'est ainsi que dans certains conflits, on a vu des responsables publics ouvrir des négociations sur les doléances à l'origine des grèves et sit-in en cours dans leurs secteurs respectifs, non pas avec les syndicats qui les ont initiés, mais avec des instances de l'appareil de l'UGTA ignorées par les contestataires et souvent opposées à l'expression de leur contestation. Il est légitime que cette façon de faire des pouvoirs publics fasse douter les travailleurs sur leur volonté à rechercher l'apaisement social par la voie du dialogue avec des partenaires autres que ceux qu'ils créditent du «politiquement correct». C'est ce que l'on constate dans le conflit qui oppose le ministère de la Santé à l'intersyndicale autonome. Conflit qui perdure et se durcit surtout parce que Ould Abbas rechigne à accorder à cette intersyndicale le statut de partenaire social avec qui négocier les termes d'un accord et louvoie pour tenter de semer la discorde dans ses rangs et entre elle et ses mandants. Ce que le pouvoir ne veut pas admettre est que les travailleurs se réapproprient les droits aux négociations. Réappropriation qui signifie que cette couche sociale ne veut plus être confinée à n'attendre de solutions à ses problèmes et à ses conditions de vie que par l'entremise d'une organisation syndicale ayant perdu son âme et sa vocation en se transformant en digne protectrice du pouvoir contre la contestation sociale, aussi fondée soit-elle. Le dialogue franc et responsable entre les pouvoirs publics et le monde du travail est la seule voie qui peut apporter la paix sociale. Son préalable est que les premiers acceptent de l'organiser et de l'engager avec des partenaires dont l'ancrage et la représentativité sont démontrés. Ce qui n'est plus le cas aujourd'hui pour la centrale UGTA, que ces pouvoirs publics persistent à considérer comme leur interlocuteur exclusif. Il faut bien que le pouvoir se fasse à la réalité que le temps de la mise du monde du travail sous tutelle syndicale choisie par lui n'est plus de mise. La meilleure façon de prouver qu'il en a conscience serait qu'il ouvre les portes de la prochaine tripartite aux syndicats autonomes, qui ont fait la démonstration qu'ils sont des médiateurs sociaux incontournables dans leurs secteurs d'activités respectifs.