Dimanche 29 mai. Tribunal criminel d'Oran. Au box des accusés, deux jeunes hommes. L'un, la trentaine, de forte corpulence, l'autre, la vingtaine, de petite taille. Ils sont là pour être rejugés pour l'assassinat d'un homme dans la nuit du 21 au 22 juin 2006, sur le boulevard Front de mer. Au premier procès, ils avaient été reconnus coupables et condamnés à la réclusion à perpétuité. Leurs avocats avaient alors profité d'un point de procédure pour casser le jugement: le tribunal avait dispensé un témoin de l'acte de prêter serment à la barre sans en motiver la décision. Un fait loin d'être anodin puisqu'il est susceptible de vicier tout le procès et de nature à faire valeur de motif de cassation. Voilà, formellement, pourquoi D. Sofiane et H. Ali comparaissent à nouveau devant la justice pour répondre respectivement de «vol qualifié et meurtre» et «complicité». Cette nuit-là, les deux copains rôdaient sur le boulevard Font de mer. Une habitude nocturne qui n'est pas innocente. L'accusation ne va pas par quatre chemins pour dire que l'objectif des deux rôdeurs était l'agression et le vol des passants. La victime (dans cette affaire), qui conduisait une Golf blanche, est tombée dans leurs filets cette nuit-là. Si le fait que la victime soit décédée après avoir reçu des coups de couteau assénés par D. Sofiane est établi, et ce de l'aveu même de celui-ci, les circonstances du crime quant à elles ne le sont pas. A en croire les mis en cause, leurs sorties nocturnes en ville étaient dans un but de prostitution. H. Ali n'a eu aucune gêne de reconnaître à l'audience son homosexualité. Il avait coutume d'arpenter le Front de mer de long en large en quête de clients. Le conducteur de la Golf blanche en aurait été un, d'après la version de l'accusé. Après un petit marchandage, H. Ali est monté en voiture de son plein gré. A ce moment-là, toujours selon le récit des accusés, l'autre accusé Sofiane s'est approché de la victime et lui a demandé une canette de bière. En échange de quoi, la victime lui a demandé de faire un petit tour avec eux. Sofiane a fermement refusé. Mais l'automobiliste a voulu l'embarquer de force. C'est dans ces circonstances que Sofiane a sorti un couteau de sa poche, donnant deux coups à la victime avant de s'enfuir. Son copain Ali, lui, est resté dans le véhicule. Dix minutes plus tard, la victime a succombé à ses blessures. Cause de la mort, selon le rapport d'autopsie: une plaie profonde dans le poumon gauche. L'accusation, par la voie du procureur général, a battu en brèche cette version. Le mobile du crime, d'après le représentant du droit public, n'est rien d'autre que le vol. L'argent avec lequel D. Sofiane avait acheté le lendemain du crime une moto à un voisin, cité comme témoin, faisait partie des biens délestés au conducteur de la Golf, selon l'accusation. L'avocat général a requis le «maintien» de la première sentence, la perpétuité. A l'issue des délibérations, les deux accusés ont vu leur culpabilité confirmée mais leur peine allégée, soit 20 ans de réclusion.