Plus d'un millier de participants sont réunis depuis hier, et pour trois journées consécutives, au Palais des nations à l'invitation du Conseil national économique et social (CNES). Vaste forum qualifié «d'états généraux de la société civile» dont les organisateurs ambitionnent qu'il aboutira sur la rédaction d'une «feuille de route» synthétisant, dans un «contexte de demande expresse de changement dans la société et par la société», les attentes que cette société nourrit en la matière et les propositions indispensables pour leur concrétisation. Comme on le constate, l'on ne peut faire le reproche à ces organisateurs de ne pas avoir vu grand en vue d'aboutir à cet objectif. Ils ont ratissé large en terme de participation. Celle-ci va d'organisations syndicales et patronales jusqu'à des éléments de la diaspora algérienne «dûment mandatés par leurs instances respectives», en passant par des représentants de regroupements socioprofessionnels, des organisations estudiantines et de la jeunesse, des conseils de déontologie et d'éthique, des cercles citoyens de réflexion et d'action, des sociétés savantes et du monde de la culture, des médias et de la communication. En somme, une représentation en principe assez convaincante du mouvement civil de la société algérienne, aussi bien dans la pluralité de ses composantes que dans la diversité de ses formes d'expression. De quoi augurer par conséquent des débats riches et centrés sur les réalités qui font problème dans le pays et participent aux causes de la crise nationale dans laquelle l'Algérie se débat. Pour qu'il en soit ainsi, il faudrait toutefois que les initiateurs de ces «états généraux de la société civile» n'imposent pas de tabous à l'expression des participants en respectant l'engagement annoncé que les assises seront «un espace idéal pour l'exercice véritable d'une démocratie participative à ciel ouvert et en temps réel». Ils ont promis que ce rendez-vous sera un lieu où «la parole sera libérée et un espace d'écoute et de captation des attentes citoyennes». L'échec de la rencontre sera dans le confinement des débats aux seules problématiques retenues par les organisateurs et l'impossibilité imposée sous ce prétexte aux participants de faire déborder la concertation et la réflexion de leur cadre. Si les invités du Conseil national économique et social (CNES) sont véritablement représentatifs de la pluralité des composantes de la société algérienne, tout ce qui se «mijote» en termes de changement et de réformes doit les interpeller et leur fait obligation d'exprimer leurs avis et propositions. Ils ne se situeront pas à la hauteur des enjeux qui sont en cause dans le pays s'ils limitent leurs contributions à ne parler que des changements et réformes qu'ils veulent voir intervenir dans les sphères et secteurs qu'ils représentent. Le changement auquel aspirent les citoyens ne peut être que global. Le préalable pour qu'il prenne cette dimension globale est qu'il faut exiger d'abord celui à faire sur le volet politique. Car c'est ce changement qui peut créer les conditions favorables à ceux dont on veut la concrétisation sur les autres plans. Que «les états généraux de la société civile» se voient signifier qu'il n'est pas de leurs vocation ou prérogatives de débattre du volet politique des réformes dont le pays a besoin, voilà assurément ce que tenteront de leur imposer «les gardiens du temple». Et à n'en point douter, ils sont en nombre dans les coulisses de ce forum.