P our ne pas avoir pu ou su tirer les enseignements de l'enchaînement des évènements qui ont plongé la Libye dans la guerre civile et fourni le prétexte à l'intervention armée dans ce pays, le régime syrien est menacé de se retrouver dans la même situation que celle à laquelle est confronté celui de Mouammar Kadhafi. Tout comme ce dernier, Bachar El-Assad, si tant est que c'est lui qui détient vraiment les rênes du pouvoir en Syrie, a cru pouvoir étouffer la révolte populaire en procédant à sa répression brutale. Ce n'est qu'au constat que cette révolte est irrépressible malgré la violence de la répression mise en œuvre, que le pouvoir syrien s'est avisé de lâcher quelques promesses de réformes politiques et de parler de dialogue national. Sauf que les choses étant allées trop loin entre le régime et ceux qui le contestent, ce n'est pas l'apaisement que les « gestes d'ouverture » du premier favorisent, mais au contraire la radicalisation de leurs revendications. D'autant qu'aucune médiation régionale ou internationale ne s'est manifestée pour tenter d'éviter à la Syrie la répétition du scénario libyen. Il est clair qu'à moins d'instaurer « la paix des cimetières » en lâchant sans retenue son armée et ses forces de sécurité contre son peuple, le régime syrien ne peut plus rester aux commandes du pays. Mais Bachar El-Assad se tromperait encore une fois s'il pense que du fait de la position et du rôle stratégique qu'a la Syrie dans la région, il peut, contrairement à Kadhafi, réaliser ce dessein sans que ne s'organise contre son régime une ingérence militaire étrangère. La situation dans laquelle est enferrée la Syrie par la faute de ses dirigeants, sourds aux aspirations du peuple, appelle au contraire inévitablement à cette solution. Il n'est pas besoin d'être dans le secret des puissances étrangères, qui ont dans leur point de mire la chute du régime syrien, pour comprendre que s'est mise en place la machinerie qui prépare le terrain à une intervention internationale. Pour l'heure, l'objectif est d'intensifier l'expression de la réprobation internationale que suscite la répression exercée en vase clos par le régime syrien, d'en exagérer l'ampleur en lui donnant une dimension génocidaire, disqualifiant pour de bon Bachar El-Assad et les dirigeants syriens. L'autre est de faire en sorte que le mouvement de révolte du peuple syrien ne se satisfasse pas d'une solution négociée avec le régime en place. Devant l'impasse ainsi créée, la solution d'une intervention « humanitaire » internationale s'imposera alors même pour « les alliés historiques » du régime syrien. Ce scénario n'est pas une vision de l'esprit seulement. Il est en réalité en marche. Là aussi, ce n'est pas le tragique de la situation du peuple syrien qui motive la volonté de la plupart des puissances et de leurs milieux médiatiques de vouloir en finir avec le régime de Bachar El-Assad. Il se trouve seulement que celui-ci n'entre pas dans le schéma que dessine le plan du Grand Moyen-Orient pour la région. Par l'aveuglement et l'incapacité à anticiper dont fait montre ce régime, il a offert à tous ses ennemis l'occasion et les justifications de l'abattre. Quant à ce qu'il en résultera après cela pour le peuple syrien et la région, ce ne sont pas les interventionnistes « humanitaires » qui s'en soucieront.