Les nuages menaçants qui s'amoncellent sur le système financier mondial du fait de la crise des endettements publics qui frappe les Etats-Unis et l'Union européenne n'ont pas été sans incidence sur le choix du chef de l'Etat d'entamer, ce mois de ramadhan, le désormais traditionnel cycle annuel des auditions du staff gouvernemental par le secteur des finances. Bouteflika a certainement donc dû entendre le premier argentier du pays lui exposer les risques éventuels encourus par l'Algérie au cas où l'Amérique et l'Union européenne, ses deux puissances partenaires de premier plan, viendraient à s'enfoncer dans leurs crises financières, et donner à celui-ci les instructions à exécuter préventivement pour mettre à l'abri de cette situation les réserves financières du pays. Rien n'a filtré dans le communiqué qui a sanctionné l'audition de Karim Djoudi de ce qui a été arrêté en la matière. Le chef de l'Etat n'est pourtant pas sans ignorer les inquiétudes qui se sont exprimées par les voix d'experts financiers nationaux, soit celles d'acteurs politiques laissant entendre que par leur manque de réactivité face aux menaces qui planent sur les réserves financières nationales, le pays serait mis en situation d'être confronté à de graves déboires. Même si Bouteflika et le gouvernement ont arrêté une stratégie pour éviter que l'Algérie n'essuie les plâtres des crises des endettements qui ont cours aux Etats-Unis et dans l'Union européenne, leur mutisme sur la question confirme l'accusation formulée contre eux de pratiquer une politique financière qui manque de transparence, dont la pertinence est par conséquent sujette à caution. On ne saura donc rien de ce que les autorités algériennes ont décidé de faire concernant les avoirs financiers nationaux placés en bons de trésor auprès d'Etats dont la crédibilité à honorer leurs obligations devient incertaine. L'on a cru un moment que les auditions imposées par le chef de l'Etat seraient des occasions où les citoyens seraient informés de l'état de ce qui se fait dans le pays, sans occulter les problèmes, les insuffisances et les dysfonctionnements de l'action gouvernementale. Elles sont au contraire devenues des moments où l'autosatisfaction s'épanche sans retenue, alors que la réalité sur le terrain contredit le bilan optimiste qui est pour les autorités la raison les justifiant. Ces auditions ne sont pas non plus devenues cet examen sans complaisance à passer par nos ministres, ainsi que s'y était engagé le Président quand il en a initié la première fournée. Des ministres ont dû subir des remontrances, essuyer la colère présidentielle pour n'avoir pas respecté l'obligation de performance dont Bouteflika a censément fait la raison de leur distinction à la haute fonction qu'ils occupent. Que les secteurs dont ils sont en charge souffrent de criants retards, de graves dépassements, cela n'a pas valu à ces ministres la sanction méritée. Leurs auditions se succèdent, sans avoir sur eux d'effet dopant et motivant. Malgré cela, ils sont maintenus dans le gouvernement. Si finalement il y a continuité avec Bouteflika régnant, c'est celle qui pérennise le privilège de l'irresponsabilité absolvante pour le staff gouvernemental. Cette année encore, les auditions présidentielles ne sont qu'un mauvais moment à passer pour les ministres les plus défaillants. Le Président les ayant tancés et sommés de « se bouger », ils replongeront après cela dans les délices de l'exercice de la fonction ministérielle, sans se préoccuper de ce qui se dit ou se pense d'eux au sein de l'opinion publique.