Au moins 15 manifestants ont été tués et 16 autres blessés, vendredi dans des manifestations anti-régimes en Syrie où l'étau se resserre sur Bachar Al Assad, contre lequel des appels au départ immédiat ont été lancés jeudi, par plusieurs pays occidentaux. Journée test pour le pouvoir, hier vendredi a été surtout marqué par l'annonce de la création par l'opposition au régime de Bachar, d'une coalition unifiant ses rangs afin d'obtenir la chute du régime et l'établissement d'un Etat démocratique. Baptisée "l'instance générale de la révolution syrienne", la coalition a indiqué dans un communiqué que son objectif était de "resserrer" les rangs de l'opposition au plan politique et sur le terrain afin d'"aboutir à la chute du régime de Bachar al-Assad et à l'établissement d'un Etat démocratique, un Etat de droit et d'institutions garantissant la liberté, l'égalité de tous les citoyens et le respect des droits de l'Homme". La "Syrian Revolution General Commission" (SRGC) est le fruit de la fusion de 44 groupes et comités de coordination qui animent depuis cinq mois, la contestation en Syrie. La nouvelle coalition souligne "l'urgence d'unifier l'action des révolutionnaires au plan politique, médiatique et sur le terrain afin d'obtenir la chute du régime et de ses institutions de répression". Elle affirme également son engagement à "honorer le sang des milliers de martyrs et les sacrifices des dizaines de milliers de personnes qui ont été détenues et torturées, d'autres déplacées et réprimées pour avoir défendu la liberté et la dignité de notre peuple". Selon le secrétaire général adjoint de l'ONU Lynn Pascoe, plus de 2.000 personnes ont été tuées par les forces du régime, dont 26 les yeux bandés dans un stade ainsi qu'un garçon de 13 ans, depuis le début de la répression, en mars dernier. Un rapport de l'ONU publié jeudi, a dressé un catalogue glaçant de brutalités et violences contre la population civile qui pourraient relever de "crimes contre l'Humanité et appelé le Conseil à envisager une saisine de la Cour pénale internationale. Une réunion du Conseil des droits de l'Homme de l'ONU se tiendra lundi, lors d'une session spéciale dédiée à la Syrie, à la demande de 24 des 47 pays du Conseil, dont 4 pays arabes (Jordanie, Koweït, Qatar et Arabie Saoudite). Par ailleurs, l'opposition a fait de la journée du vendredi une journée test pour augmenter la pression sur le régime au lendemain de l'appel des Occidentaux au départ de Bachar al-Assad. Sous le slogan "les prémices de la victoire", les opposants ont appelé sur Facebook à manifester, bien que tous les foyers de la contestation soient quadrillés par les forces de sécurité, et même si le chef de l'Etat a annoncé la fin des opérations militaires. A Lattaquié, qui a été la cible d'une opération militaire de grande envergure, une manifestation a été dispersée par les " chabiha " (miliciens pro-régime), selon la même source. Dans la région à majorité kurde du nord-est de la Syrie, près de dix mille personnes ont défilé à Qamichli et Amouda, selon un activiste sur place. Le dossier syrien a été au menu d'autre part d'une réunion des ambassadeurs européens, vendredi à Bruxelles, pour décider de nouvelles sanctions. Si les mesures punitives prises par Washington ont peu d'effets sur Damas, les relations commerciales étant quasiment inexistantes, il n'en est pas de même pour l'Europe qui achète 95% du pétrole exporté par la Syrie, soit une source de revenus non négligeable pour le pays. En outre, la Grande-Bretagne, la France, l'Allemagne et le Portugal ont annoncé jeudi qu'ils chercheraient à obtenir une résolution de l'ONU imposant des sanctions à l'encontre du régime syrien, notamment un embargo sur les armes, un gel des avoirs syriens et une interdiction de voyage pour certains responsables. Le niet de Moscou Face à cette avalanche de mauvaises nouvelles, Damas a obtenu vendredi, le soutien de la Russie, membre permanent du Conseil de sécurité et qui a opposé son veto à toute résolution qui pourrait frapper la Syrie. "Nous estimons que c'est maintenant qu'il faut donner du temps au président Assad pour qu'il puisse mettre en place les réformes annoncées", a déclaré une source russe au ministère des Affaires étrangères, citée par l'agence Interfax. "Beaucoup de choses ont été faites dans cette direction : il s'agit de l'adoption de lois appropriées, l'annonce d'une amnistie des prisonniers politiques et d'élections d'ici la fin de l'année", a ajouté cette source. Les événements de Syrie où les forces de sécurité tirent à balles réelles sur les manifestants nourrissent les pires inquiétudes. Une délégation de parlementaires russes va se rendre en Syrie "dans les prochains jours pour comprendre ce qui se passe dans ce pays", a déclaré un membre de la commission des Affaires étrangères de la chambre haute du Parlement russe, Aslambek Aslakhanov, cité par l'agence Interfax. De son côté, une mission humanitaire de l'ONU doit se rendre en Syrie pour témoigner de la répression par Damas du mouvement de contestation, a indiqué jeudi le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l'ONU (Ocha). "Nous avons obtenu la garantie que nous pourrions nous rendre partout où nous le souhaitons" et "nous voulons nous concentrer sur les endroits où des combats ont été rapportés", a déclaré à la presse Valérie Amos, qui dirige Ocha. Mais, si les pays occidentaux, Etats-Unis en tête, appellent Bachar Al Assad à partir, la Turquie, état voisin, n'est pas prête à faire ce pas. Elle réclame cependant et à nouveau l'arrêt "immédiat" de la répression sanglante, selon des officiels turcs. "Nous n'en sommes pas encore là," a déclaré vendredi, sous couvert d'anonymat, une source gouvernementale turque, après que le président américain Barack Obama et certains de ses alliés occidentaux ont, pour la première fois jeudi, appelé le président Assad à partir et renforcé les sanctions contre son régime. "Avant tout, le peuple syrien doit dire à Assad de partir. (...) L'opposition syrienne n'est pas unie et nous n'avons pas encore entendu un appel collectif des Syriens disant à Assad de partir, comme en Egypte ou en Libye," a poursuivi ce responsable. Tard jeudi, les plus hautes autorités politiques et militaires turques, réunies au sein du Conseil national de sécurité (MGK), s'étaient elles aussi, abstenues d'appeler le président syrien à la démission, tout en réclamant l'arrêt "immédiat" de la répression des manifestations d'opposition qui durent depuis cinq mois.