Classée, dans un passé encore vivace, parmi l'une des plus belles villes du bassin méditerranéen, Oran ne donne, malheureusement, guère bonne mine de nos jours. Celle qui a été baptisée El-Bahia en ce temps-là surprend désagréablement la vue et l'odorat du visiteur occasionnel, de par les amas d'ordures ménagères et autres détritus jonchant ses artères et ses rues. Les grands boulevards de la capitale de l'Ouest, qui faisaient jadis la fierté des Oranais, contrastent violement avec le slogan «pour une ville propre» placardé sur le peu de camions de collecte des ordures en circulation. A ce propos, l'on se rappelle le coup de colère du wali d'Oran lorsqu'il s'est insurgé contre le nombre considérable de ces engins immobilisés depuis des mois dans les parcs pour de «petites pannes», tout en mettant les élus concernés devant leurs responsabilités avant d'appeler «à un assainissement radical de la situation». Cet état de fait, conjugué notamment à l'incivisme de la part de certains citoyens, est à l'origine de l'enlaidissement, qui va crescendo, de la cité éponyme de Sidi El-Houari, véritable pan de l'histoire contemporaine de la région. «J'ai honte de ma ville», a fait remarquer avec dépit un vieil Oranais. Une remarque, qui fait cependant l'unanimité dans le for intérieur des familles oranaises, mais suscite en revanche leurs embarras lorsqu'elle est formulée par le visiteur. «J'aime ma ville, mais je n'aime pas ce qu'elle est devenue », a renchéri notre interlocuteur. L'absence de civisme figure en pole position parmi les raisons ayant été à l'origine de la dégradation du paysage de cette ville, qui a inspiré jadis nombre de poètes et de compositeurs de chansons. Un démographe de la place d'Oran argumente: «Normalement, un citoyen civilisé ne déverse pas sa poubelle dans la rue et ne balance jamais des sachets pleins d'ordures du haut de son balcon ». Une pratique devenue néanmoins courante de nos jours et qui ne semble plus surprendre le badaud. Le constat est hautement illustratif à travers une balade, de jour comme de nuit, dans les rues, quartiers et cités de la ville. « Tout auteur de ce genre d'infraction est passible d'une sanction, au même titre que celui qui étend du linge sur son balcon en dehors des heures autorisées, et ce conformément à un arrêté. Cette loi existe, il suffit de la dépoussiérer pour tenter de redorer le blason terni de notre ville», a expliqué un vieil habitant d'Oran, retraité de la commune. C'est en particulier la puanteur émanant des amas d'ordures ménagères, éparpillées par les fouineurs de poubelles, qui suscite en général la consternation du plus imperturbable. Ce malheureux état de fait est particulièrement spécifique aux cités ceinturant la ville et où l'incivisme n'a pas de limite. Les aires de jeux pour enfants et les stades de proximité qui ont été réalisés dans la grande majorité de ces cités ne sont plus que désolation: balançoires arrachées de leurs socles, toboggans éventrés et bancs détériorés qui entourent ces espaces. « Certains, et ce n'est pas une minorité, déposent leurs sachets d'ordures n'importe où mais pas dans les poubelles qui ont été mises à leur disposition par la commune. Les éboueurs sont ainsi dans l'obligation d'user de pelles pour ramasser tous les tas d'ordures amassés autour des poubelles, souvent vides », a fait remarquer un locataire de la cité Cnep de Yaghmoracen. La propreté d'une ville devrait être, selon le slogan, l'affaire de tout un chacun. Les chantiers des travaux du tramway, qui bloquent depuis des mois plusieurs boulevards et rues de la ville, ajoutent une autre touche noire sur ce tableau peu reluisant. La véritable anarchie prévalant dans la circulation routière et même piétonnière, qui s'est manifestée notamment avec ces travaux, contribue grandement à la dégradation du paysage de la capitale de l'Ouest.