Classée, dans un passé encore vivace, parmi l'une des plus belles villes du bassin méditerranéen, Oran ne fait malheureusement guère bonne mine de nos jours. Celle qui a été baptisée «El Bahia» en ce temps-là, surprend désagréablement la vue et l'odorat du visiteur occasionnel, de par les amas d'ordures ménagères et autres détritus jonchant ses artères et ses rues. Les grands boulevards de la capitale de l'Ouest, qui faisaient jadis la fierté des Oranais, contrastent violemment ave le slogan «Pour une ville propre» placardé sur le peu de camions de collecte des ordures en circulation. A ce sujet, le wali d'Oran n'y est pas allé avec dos de la cuillère en intervenant sur les ondes de la chaîne d'El-Bahia deux semaines auparavant. Il s'est insurgé contre le nombre considérable de ces engins, immobilisés depuis des mois dans les parcs en raison de «petites pannes», en mettant les élus concernés devant leurs responsabilités, avant d'appeler «à un assainissement radical de la situation». Cet état de fait, conjugué notamment à l'incivisme de la part de certains citoyens, est à l'origine de l'enlaidissement, qui va crescendo, de la capitale de l'Ouest, véritable pan de l'histoire contemporaine de la région. «J'ai honte de ma ville», a fait remarquer avec dépit un vieil Oranais. Une remarque qui fait cependant l'unanimité dans le for intérieur des familles oranaises, mais suscite en revanche leur embarras lorsqu'elle est formulée par le visiteur. «J'aime ma ville, mais je n'aime pas ce qu'elle est devenue», a renchéri notre interlocuteur. L'absence de civisme figure en pole position parmi les raisons ayant été à l'origine de la dégradation du paysage de cette ville, qui a inspiré jadis nombre de poètes et de compositeurs de chansons. Un démographe de la place d'Oran argumente «un exode rural massif et incontrôlé de familles n'ayant aucune notion du confort en rapport avec le mode de vie convenant à notre époque.» Il ajoute pour préciser: «un citoyen civilisé ne déverse pas sa poubelle dans la rue et ne la balancera jamais du haut de son balcon». Une pratique devenue néanmoins courante de nos jours et qui ne semble plus surprendre le badaud. Le constat est hautement illustratif à travers une balade, de jour comme de nuit, dans les rues, quartiers et cités de la ville. «Tout auteur de ce genre d'infraction est passible d'une sanction au même titre que celui qui étend son linge sur son balcon en dehors des heures autorisées, et ce conformément à un arrêté. Cette loi existe, il suffit de la dépoussiérer pour tenter de redorer le blason terni de notre ville», a expliqué un vieux riverain du quartier du Plateau St Michel. C'est en particulier la puanteur émanant des amas d'ordures ménagères, éparpillées par les fouineurs de poubelles, qui suscite en général la consternation du plus forte. Certains habitants, pour attirer l'attention des responsables, dressent des amas d'ordures en plein milieu de la rue.