Après avoir été totalement et absurdement hermétiques à l'ouverture de l'audiovisuel, occasionnant un grand retard de l'Algérie même au plan technique par rapport aux pays voisins, les autorités envisagent enfin une ouverture de l'audiovisuel à la concurrence. Quand on revient à des déclarations pas si lointaines de responsables algériens, cette intention annoncée est en soi un progrès. Et il sera difficile de ne pas lier cette évolution au printemps arabe, quand bien même le pouvoir algérien affirme qu'il mène ses réformes de lui-même, sans rapport avec les mutations en cours dans le monde arabe. Il suffit de consulter les archives pour constater qu'il n'y a pas encore très longtemps, l'ouverture de l'audiovisuel ne faisait pas partie de l'agenda officiel. Même quand ils semblaient lâcher du lest, ces responsables algériens ne voyaient cette ouverture au privé qu'avec une participation de l'Etat dans le capital des entreprises. Il ne s'agissait pas, on l'imagine bien, d'un pur choix d'investissement économique et financier, mais d'assurer une présence dans ces télévisions et radios nouvelles dans un but évident de contrôle politique. Cette option a-t-elle été abandonnée ? Les autorités semblent, a priori à la lecture du rapport du Conseil des ministres, avoir décidé de laisser tomber cette option de présence directe ou «physique» qui entacherait d'emblée de doute la volonté d'ouverture. Une présence de l'Etat dans le capital d'une télévision «privée» passerait difficilement pour un gage d'indépendance. Cela aurait été, après un retard d'au moins 15 années par rapport aux évolutions du paysage audiovisuel dans le monde arabe, une réforme cosmétique, un faux-semblant. Les communiqués officiels n'étant pas toujours explicatifs, il reste à confirmer définitivement que cette option de prise de participation de l'Etat dans les futures entreprises de TV et radio est définitivement abandonnée. Si tel est le cas, c'est un progrès. Mais un progrès théorique suspendu aux «détails» qui peuvent le rendre effectif ou non. Il y a d'abord la question de timing. La célérité n'étant pas vraiment le fort du fonctionnement gouvernemental, il faudra du temps pour élaborer les textes qui permettent la mise en place d'une autorité de régulation ayant la charge du secteur de l'audiovisuel. Il faudra également attendre la «loi spécifique» sur l'audiovisuel Le dispositif prendra du temps à se mettre en place, alors que l'ouverture de la télévision publique aux débats contradictoires ne s'est pas faite malgré les professions de foi officielles. Sans préjuger de la nature du dispositif qui va se mettre en place, il faut noter d'emblée que dans le communiqué officiel, la conclusion d'une convention entre une société de droit privé algérien et la future autorité de régulation doit être «validée par une autorisation délivrée par les pouvoirs publics». Cela ne peut que susciter des appréhensions, quand on connaît l'usage très politique qui a été fait de «l'agrément» des journaux. La simple déclaration de création de journal prévue par la loi sur l'information a été transformée en «agrément» délivré ou refusé de manière arbitraire. Et le paradoxe est que les responsables algériens, après avoir créé cet obstacle politico-administratif, se sont mis à dénoncer le fait que ceux qui bénéficient des agréments les marchandent C'est pourtant bien l'imposition d'un agrément délivré à la «tête du client» qui a créé ce «marché». La fermeture de l'audiovisuel est un combat d'arrière-garde au regard des offres considérables et diverses accessibles aux Algériens. Il faut donc prendre acte de l'intention affichée d'aller vers l'ouverture. Mais il faudra attendre les détails pour avoir une idée juste de la réalité et de la qualité de cette ouverture.