Plus les jours passent, plus l'hypothèse d'une faillite de la Grèce et de sa sortie de l'euro devient plausible. Lundi, dans une longue contribution au quotidien Financial Times, l'économiste Nouriel Roubini, l'un des rares experts à avoir prédit la crise de 2008, a plaidé pour une telle solution. Pour lui, la Grèce n'est pas capable de rembourser sa dette, laquelle va atteindre l'équivalent de 200% de son PIB, pas plus qu'elle ne pourra se maintenir dans la zone euro. Au lendemain d'un sommet où les Européens se sont avérés incapables de s'entendre sur le déblocage de la seconde tranche d'aide (8 milliards d'euros) en faveur d'Athènes, cette analyse a conforté tous ceux qui appellent la Grèce et l'Europe à ne plus louvoyer et à préparer de manière sereine et organisée à la fois le défaut et la sortie de l'euro. Le défaut : une nouvelle étincelle ? C'est d'ailleurs ce qui est peut-être en train de se préparer. Alors que la Commission européenne et le Fonds monétaire international (FMI) exigent de la Grèce qu'elle mette en place les mesures d'austérité qu'elle s'est engagée à adopter en échange de l'aide financière, il ne serait pas surprenant d'apprendre que les Européens planchent déjà sur un plan B, à savoir le défaut de paiement accompagné éventuellement de la sortie de la zone euro. Dans l'affaire, la question est de savoir qui sera le grand perdant. Les banques qui ont acheté des obligations grecques ou bien alors les contribuables dont les Etats devront recapitaliser ces mêmes banques afin de leur éviter de sombrer ? De même, il sera difficile d'éviter un effet panique sur les marchés. A peine le défaut de la Grèce connu, ces derniers parieront-ils sur de futures faillites du Portugal, de l'Irlande et de l'Italie. De quoi semer la pagaille sur les marchés européens et provoquer un krach majeur. Tout sera donc question de timing, c'est pourquoi chaque vendredi sera crucial pour ne pas dire angoissant pour les opérateurs des marchés financiers (si le défaut est annoncé vendredi soir, les Etats bénéficieront de deux jours pour convaincre les investisseurs de ne pas paniquer). Dans le même temps, le défaut, c'est-à-dire l'impossibilité pour la Grèce de rembourser une partie de sa dette extérieure ne sera pas sans conséquences pour ce pays. Les marchés financiers lui seront fermés et les organisations internationales telles que le FMI risquent d'imposer des mesures d'austérité encore plus draconiennes que celles qui ont déjà été acceptées par le gouvernement et le parlement grecs. C'est donc tout sauf une solution idéale, cela sans parler de l'humiliation infligée à un pays qui pensait avoir définitivement accroché le wagon de l'élite européenne. A quoi bon la dévaluation ? En incitant la Grèce à quitter la zone euro et à revenir à une drachme dévaluée, Roubini et d'autres partisans du retrait avancent l'argument d'un retour à la compétitivité de l'économie grecque. Or, cette dernière n'a guère de ressources exportatrices et ne pourra, de toutes les façons, rivaliser avec la zone dollar, Asie comprise. Certes, le tourisme ne pourra que bénéficier d'une telle opération (une monnaie faible est un atout pour attirer les visiteurs étrangers) mais les autres avantages restent incertains dans la conjoncture internationale actuelle marquée par un basculement progressif des activités manufacturières vers les zones à faible coût de main-d'œuvre. Cela à moins que la Grèce ne devienne le Vietnam de l'Europe, ce qui est peut-être la solution envisagée sans que le peuple grec n'ait son mot à dire.