Les Grecs étaient hier en masse dans les rues pour protester contre de nouvelles mesures de «rigueur». Un euphémisme toujours en vigueur, pour ne pas dire de nouvelles mesures visant à appauvrir encore plus la population. Les Grecs découvrent de plus en plus qu'ils n'ont plus de gouvernement. Et que le pays est dirigé, de facto, par la «troïka» constituée par le Fonds monétaire international, la Commission européenne et la Banque centrale européenne. Eux décident, le gouvernement grec, socialiste présumé de surcroît, applique. Une affiche réalisée par une revue de gauche résume le sentiment grandissant des Grecs. On y voit le Premier ministre Georges Papandréou et son ministre des Finances, Evangelos Venizelos, avec la mention : «Wanted» par le peuple grec, les marionnettes de la troïka et leur gang. Récompense : «Une vie libre». Il n'est pas certain que les Grecs l'auront de sitôt cette vie libre. Le remède drastique qui leur a été appliqué n'est qu'au début. Aucun économiste ne croit que cette politique va permettre de relancer l'économie de la Grèce. Sa seule finalité est d'appauvrir la population et le pays. Les Grecs deviennent ainsi les premiers Européens à être ajustés structurellement à la manière africaine ou sud-américaine. Le pays devient ainsi le laboratoire grandeur nature d'un ajustement social extrêmement brutal. Les oligarques, qui se donnent pour objectif de rendre leur compétitivité aux économies avancées par rapport aux économies émergentes, testent, avec les Grecs, une mise au pas sociale drastique. Ils veulent voir ce que peut supporter la «plèbe» et comment la mater éventuellement. Ces oligarques ont le contrôle de l'économie, mais également des médias et toutes les mesures antipopulaires qui sont prises sont justifiées, avec parfois quelques larmes de pacotille, par le respect des règles sacro-saintes de l'économie libérale. Le problème est que ces règles ne s'appliquent qu'à sens unique : quand les oligarques gagnent de l'argent, c'est pour eux seulement ; quand ils perdent, c'est pour la collectivité. Et ils pensent pouvoir le faire tant que l'alternative idéologique au libéralisme reste durablement affaiblie. Cette absence d'alternative permet aux tenants de l'ordre d'envisager d'aller très loin en terme de brutalité La Grèce est également le laboratoire sur cet aspect. Avec une remarquable sophistication, on découvre, avec la mise en œuvre de l'ajustement structurel en pays européen, des thématiques connues des pays autoritaires du Sud. La démocratie n'est pas une fiction dans les pays avancés. Mais avec la formidable concentration du capital entre des petits groupes d'oligarques, les 1% dénoncés par les Indignés, les fondements de cette démocratie sont menacés. Pour prendre un exemple «proche», comment ne pas voir que les propriétaires des médias en France ont pour noms Dassault, Rothschild, Bouygues, Bergé Quand les oligarques concentrent entre leurs mains le pouvoir économique et médiatique, ils ont les moyens de dominer les Etats et de contrôler les politiques. Ce n'est pas un hasard que le mouvement des Indignés qui essaime dans les pays occidentaux a pour mot d'ordre la démocratie. Celle-ci n'est jamais un acquis, elle est toujours à faire. Et à défendre. Et les oligarques ne sont pas que russes.