L'impact du résultat des élections pour l'Assemblée constituante tunisienne (victoire d'Ennahdha avec 90 sièges sur 217 selon le résultat final provisoire) et le débat qui divise les démocrates sur l'opportunité ou non de participer à un gouvernement d'union nationale ne doit pas faire oublier que la Tunisie fait face à une situation des plus inquiétante sur le plan économique. Selon les premières prévisions, la croissance du produit intérieur brut (PIB) ne devrait pas dépasser 1% en 2011 et rares sont les économistes qui se risquent à avancer un chiffre comparable, ou même positif, pour 2012. BAISSE DES RECETTES Cette contraction de l'activité, consécutive aux bouleversements que connaît le pays depuis décembre 2010, est une très mauvaise nouvelle. En effet, la Tunisie a besoin d'un taux minimum de 6% de croissance pour pouvoir à la fois résorber le chômage et absorber les nouveaux arrivants sur le marché du travail. Dans une situation politique incertaine, les tensions sociales ne peuvent donc qu'être exacerbées par l'inévitable aggravation du chômage qui accompagnera automatiquement cette chute de la croissance. Plus de 300.000 jeunes Tunisiens diplômés sont à la recherche d'un emploi (ils n'étaient que 6.000 au chômage en 1994!) et il est évident qu'ils ne se contenteront pas longtemps de promesses de jours meilleurs. Certes, le dernier rapport de la Banque centrale de Tunisie (BCT) sur l'évolution de l'économie met en exergue quelques améliorations dont une bonne campagne agricole ainsi que l'augmentation de la production du secteur minier (les phosphates et leurs dérivés constituent une ressource importante en matière d'exportations). Mais, pour le reste, le voyant est au rouge. Les exportations manufacturières ont baissé, résultat à la fois des multiples grèves dans les entreprises tunisiennes mais aussi de la baisse de la demande en provenance d'une Europe en crise (l'Union européenne compte pour 80% des échanges commerciaux de la Tunisie). Interrogé, un économiste et homme d'affaires tunisois estime que la BCT a bien joué son rôle en matière de politique monétaire puisqu'elle a veillé notamment à ce que le secteur bancaire ne manque pas de liquidités (et qu'il continue donc de financer les entreprises). Pour autant, juge-t-il, la Tunisie a un besoin urgent de relance économique dans un contexte difficile où le déficit courant a encore augmenté (5% du PIB à la fin du mois de septembre). Une tendance qui s'explique par la baisse des recettes touristiques mais aussi, et c'est tout aussi inquiétant pour les finances du pays, de la diminution des transferts de Tunisiens résidant à l'étranger. Résultat, le pays ne dispose plus, en termes de réserves de change, que de l'équivalent de 115 jours d'importations (ce qui reste tout de même un niveau confortable) contre 147 jours en décembre 2010. L'ALGERIE AIDERA-T-ELLE DE NOUVEAU LA TUNISIE ? Les difficultés budgétaires auxquelles va faire face la Tunisie obligeront le futur gouvernement sorti des urnes à demander de l'aide à ses principaux partenaires. Les pays du G20 se verront rappeler leurs promesses de mai dernier à Deauville. De même, les responsables d'Ennahdha n'ont pas caché leurs intentions de solliciter les pays du Golfe, notamment le Qatar, pour obtenir de nouvelles lignes de crédit. Quant à l'Algérie, qui a déjà accordé au printemps dernier un don de 10 millions de dollars à la Tunisie et un prêt bonifié de 90 millions de dollars, rares sont ceux qui, à Tunis, espèrent d'elle un nouveau geste du fait de la victoire électorale d'Ennahdha (un parti qui n'est pas en odeur de sainteté à Alger). Pourtant, avec plus de 170 milliards de dollars de réserves de change, l'Algérie a les moyens d'aider son voisin maghrébin à faire face sans trop de dommages à cette mauvaise passe budgétaire.