L'Algérie ne rappellera pas son ambassadeur en Syrie. Une position prise en toute souveraineté par Alger et annoncée hier dimanche après la décision de la Ligue arabe votée samedi pour la suspension de la participation de la Syrie, en plus du rappel des ambassadeurs à Damas. Le ministre des Affaires étrangères, M. Mourad Medelci, a affirmé à Alger que «l'ambassadeur d'Algérie en Syrie et l'ambassadeur de Syrie en Algérie sont tous les deux les bienvenus et ils vont continuer à travailler dans un esprit le plus fraternel et le plus positif qui soit». Il a précisé, lors d'un point de presse animé conjointement avec son homologue égyptien M. Mohamed Kamel Amr, à l'issue de leurs entretiens, que «il n'est pas question pour l'Algérie de mettre en oeuvre la disposition de la Ligue arabe (rappel des ambassadeurs arabes accrédités en Syrie) qui permet d'ailleurs à chaque pays de prendre sa décision de manière souveraine». M. Medelci, qui a indiqué que l'Algérie avait déjà pris sa décision et qu'elle ne rappellerait pas son ambassadeur à Damas, estime que «bien au contraire, plus que jamais le moment est aujourd'hui au renforcement de la relation avec le gouvernement syrien pour mettre en oeuvre plus concrètement encore le plan que nous avons adopté le 2 novembre dernier au niveau de la Ligue arabe». Le dossier syrien évoluait rapidement et dans plusieurs directions hier dimanche, au lendemain de la décision de la Ligue arabe, qui avait décidé de suspendre la Syrie de ses travaux à compter de mercredi 16 novembre, jusqu'à ce qu'elle honore son engagement d'appliquer le plan arabe de sortie de crise prévoyant en premier lieu la fin des violences qui ont déjà fait, selon l'ONU, plus de 3.500 morts depuis la mi-mars. Dimanche, le secrétaire général de la Ligue arabe Nabil al-Arabi avait même affirmé à Tripoli que la Ligue «étudie la mise en place d'un mécanisme pour protéger les civils en Syrie». «Ce qui est demandé maintenant à la Ligue arabe, c'est de mettre en place un mécanisme pour protéger les civils», a t-il ajouté, sans plus de précisions, alors que le ministre des Affaires étrangères qatari avait même brandi la menace de sanctions économiques. Face à cette position qui a étonné plus d'un tant dans le monde politique arabe que dans les capitales européennes, une décision qui isole pratiquement sur le plan international le régime de Damas et le place dans le «banc des accusés», la Syrie a répliqué hier dimanche en demandant un sommet arabe urgent, qui sera consacré à la crise qui secoue le pays depuis mars, a annoncé la télévision publique. «La Syrie demande la tenue d'un sommet arabe urgent pour remédier à la crise et à ses conséquences négatives sur la conjoncture arabe», a précisé la télévision. La Syrie a également invité les pays arabes à envoyer des ministres en Syrie pour s'enquérir de la situation sur le terrain et superviser l'application du plan de sortie de crise proposé par la Ligue arabe. Cette délégation «serait accompagnée d'observateurs, d'experts civils et militaires et de médias arabes afin de s'informer directement de ce qui se passe sur le terrain, et de superviser, en coordination avec le gouvernement syrien, l'application du plan arabe». L'OPPOSITION DANS LES STARTING-BLOCKS Pour l'opposition syrienne, la décision de la Ligue arabe est du «pain béni» face au régime de Bachar al-Assad. «Le CNS accueille favorablement les décisions prises par les ministres arabes, qui constituent un pas dans la bonne direction, et une accusation claire du régime syrien qui commet des assassinats et des destructions», a indiqué le Conseil national syrien (opposition) dans un communiqué. «Les sacrifices du peuple syrien face au régime sanguinaire ont fait que la position arabe change en faveur de la Révolution syrienne», a ajouté le CNS, appelant la Ligue arabe à «appliquer sur-le-champ les décisions prises afin d'empêcher le régime de les exploiter, en tuant davantage de civils et de manifestants». Le CNS s'est par ailleurs dit «prêt à négocier la transition de la Syrie vers la démocratie dans le cadre de la Ligue arabe, d'une manière à ce que Bachar al-Assad remette le pouvoir à un gouvernement démocratique représentatif du peuple syrien, qui ne comprendra aucun élément du régime dont les mains ont été tachées de sang». A Vienne (Autriche), l'Union des Syriens à l'étranger s'est de son côté réunie dimanche avec la participation de 80 opposants, avec comme objectif «la chute du régime syrien et l'établissement d'une démocratie multipartisane», selon la déclaration adoptée lors de la création du mouvement, le 10 septembre à Vienne. Le mouvement prend le parti de la non-violence et s'oppose à une intervention militaire dans le pays. Les participants à la réunion ont lancé un appel aux «régents et dirigeants du monde arabe pour qu'ils se rangent aux côtés du peuple syrien» et ont souligné leur soutien au Conseil national syrien, qualifié de «seul représentant légitime du peuple syrien». Par ailleurs, l'Arabie Saoudite a vigoureusement condamné dimanche la mise à sac par des manifestants fidèles au régime syrien de son ambassade à Damas, peu après la décision de la Ligue arabe de suspendre la participation de la Syrie à ses réunions. «Le gouvernement de l'Arabie Saoudite dénonce violemment cet incident et rend les autorités syriennes responsables de la protection de tous les intérêts saoudiens en Syrie», a affirmé un responsable du ministère des Affaires étrangères. Les mêmes manifestants pro-régime ont également attaqué des représentations diplomatiques françaises dans plusieurs villes syriennes, notamment à Lattaquié, alors que l'ambassade de Qatar à Damas a été envahie et le drapeau qatari remplacé par l'emblème national syrien. Les ambassadeurs saoudien et qatari ont quitté le pays depuis plusieurs mois, pour dénoncer la répression des manifestations pacifiques contre le régime en place.