Le Maroc a enregistré le 16 novembre dernier un accord d'implantation de Bombardier, le 3e leader mondial de l'aéronautique. Pendant ce temps, le gouvernement algérien songe à évaluer sa politique des investissements directs étrangers, basculée depuis 2009 sous le régime du 49% pour la partie étrangère et 51% pour la partie algérienne dans les filières de production et de service. Un régime univoque que propose Slim Othmani PDG de NCA Rouiba, d'aménager en un menu à la carte. Plus attractif. Pistes. Sur un plan comptable, les 200 millions de dollars que compte investir sur huit ans le canadien Bombardier dans le pôle de Nouaceur près de Casablanca, pour développer une activité de composants pour ses sites d'assemblage, ne sont pas l'investissement du siècle. Il reste que la création de 850 emplois directs et près de 4000 autres indirects dans la filière aéronautique qui peut se localiser par effet grégaire au Maroc dans les prochaines années, est un vrai succès d'attractivité. Les avantages concédés au géant canadien ont été le fruit d'une négociation directe. Dont les résultats ne sont pas publics. C'est l'une des options que propose Slim Othmani, pour faire bouger le 49-51 algérien «sans déroger à son principe de fond », qui veut défendre les intérêts nationaux. Pour le PDG de NCA Rouiba, le Conseil national de l'investissement (CNI) ne devrait s'occuper que des projets stratégiques qui touchent un nombre précis de filières, comme par exemple la pétrochimie ou le ciment. La négociation directe déciderait du contenu des avantages accordés au partenaire étranger en fonction de la taille de son investissement, sa balance devise et son impact sur l'économie nationale. La part qui reviendrait à la partie étrangère dans le tour de table aussi serait incluse dans la négociation. « Le CNI doit rester en dehors de tout le reste. Il n'a d'ailleurs pas les moyens de traiter de tous les dossiers d'investissement ». Le 49 pour la partie étrangère et 51 pour les parties algériennes deviendrait donc un point de départ dans la négociation. Pour se remettre à attirer les investisseurs étrangers, Slim Othmani propose «d'innover » autour de ce point de départ. « Nous pourrions dire aux porteurs de projets étrangers: vous avez le choix. Vous pouvez n'apporter que 49% du capital, conserver le management opérationnel et bénéficier de quelques avantages fiscaux. C'est le cadre de base. Mais si vous tenez à être propriétaire à 100% de votre entreprise en Algérie, alors nous vous appliquons le principe des trois tiers ». Il s'agit d'un engagement de l'investisseur étranger à diviser ses résultats nets en trois parts d'égales valeurs. L'une qu'il peut rapatrier au titre des dividendes, une autre qu'il réinvestirait pour le développement de son activité, et une troisième qu'il placerait dans le pays, dans un fonds d'investissement ou tout autre véhicule pour créer de la nouvelle valeur. LES IDE, IMPERATIFS POUR ACCELERER LA COURBE DE CROISSANCE Pour Slim Othmani, la règle des trois tiers reprend les préoccupations de celle du 49-51 sans obérer l'attractivité du pays d'accueil. Les flux de capitaux sortants sont réduits, le développement du projet en Algérie est assuré, la diversification du portefeuille de l'investisseur étranger dans le pays est stimulée, le plus souvent au profit d'acteurs nationaux. Mais le menu à la carte que souhaite aménager le patron de NCA aux investisseurs étrangers intègre également une formule souple de minorité de blocage au profit du partenaire algérien. « Nous pourrions ajouter en effet une formule à 30% plus une voix pour la partie algérienne, selon les secteurs d'activité ». Curieusement, la part de 30% - au lieu de 51% - n'est prévue pour la partie algérienne dans les investissements étrangers, que dans la distribution. Cet « Ijtihad » de Slim Othmani débouche sur une carte à quatre lignes, 49-51 standard, 100% étranger mais règle des trois tiers, minorité de blocage algérienne à 30% + une voie, ou encore négociation stratégique directe sans carcan préalable, mais avec l'aval du CNI. Une chose est certaine: l'Algérie a besoin des IDE dans une échelle bien plus importante pour développer son marché intérieur et diversifier son offre de biens et de services. NE PAS SE FIGER DANS UNE SEULE FORMULE « La pression exercée par la jeunesse à la recherche d'emplois nous impose un rythme de profondes réformes structurelles, à pas forcé, qui de facto nous conduisent sur le terrain de l'accélération de la courbe d'apprentissage ». Or, cette dernière ne peut se réaliser compte tenu de contraintes propres à l'environnement algérien L'accélérateur de l'apprentissage, ce sont les IDE qui l'apportent. Slim Othmani cite l'exemple de l'Indonésie qui a réussi sa conversion de l'après-économie pétrolière en construisant un marché domestique fort tiré vers l'avant par les technologies amenées avec les investisseurs étrangers. « L'important n'est pas de prendre mes propositions ou d'autres. L'important est de ne pas rester figé dans une seule formule ». D'où l'importance d'une ingénierie créative pour attirer les IDE. Comme le Maroc a amené Bombardier dans la banlieue de Casablanca.