L'Algérie importe, chèrement, 75% de ses besoins alimentaires. Sa «sécurité alimentaire» est assurée par les recettes pétrolières, lesquelles pourraient devenir plus incertaines dans 25 ans. «Qu'est-ce qu'il y aura à manger demain?» est une question qui n'a rien de théorique. En Algérie, le déficit alimentaire est structurel. La question de la sécurité alimentaire est une préoccupation permanente et a été à la base de toutes les stratégies agricoles et rurales. L'agriculture connaît une progression à la faveur des derniers plans de développement. La production s'améliore, se diversifie mais à un coût élevé et dépend des importants soutiens de l'Etat. Elle peut cependant encore satisfaire des besoins alimentaires qui évoluent d'une manière vertigineuse. Ces besoins s'articulent sur des régimes alimentaires qui se calquent sur des modèles de consommation nouveaux. Ils risquent de réduire la portée des politiques de développement agricole et donc d'augmenter la dépendance vis-à-vis des marchés mondiaux. 75% des besoins alimentaires de l'Algérie sont assurés par l'importation, ce qui en fait le premier importateur africain de denrées alimentaires et le cinquième mondial en céréales. Sur la facture alimentaire, les biens alimentaires représentaient, au premier semestre de 2011, 20,76 % de la valeur du total des importations. La rubrique a augmenté de 1,81 milliard de dollars en une année. En valeur, les importations alimentaires sont passées de 1 milliard de dollars en moyenne dans les années 1970 à 2 milliards dans les années 1980, 3 milliards pour 2003 et plus de 8 milliards en 2008, pour redescendre à 7 en 2009 puis à 6 en 2010. Elle est de 7.29 milliards de dollars rien que pour les neuf premiers mois de l'année en cours. L'Algérie figure parmi les pays qui offrent une disponibilité alimentaire relativement élevée. Mesurée en kilocalories par jour disponible sur le marché, elle est autour de 3600, alors que la norme admise en la matière est de 2100 kilocalories par habitant et par jour. Les données statistiques montrent que la disponibilité alimentaire a été multipliée par huit. Elle est passée de 1758 kilocalories par jour en 1963-69, à 2160 en 70-79, puis à 2732 durant la décennie 80, puis à 2944 dans les années 90. UNE DISPONIBILITE ALIMENTAIRE TRIBUTAIRE DU PETROLE Cette disponibilité reste très fortement tributaire des recettes pétrolières. Les progrès enregistrés pour diminuer cette vulnérabilité par l'amélioration des techniques agricoles en vue d'augmenter la production et la productivité ne suivent pas au même rythme. L'accroissement des contraintes naturelles et la rareté des ressources en eau et en sol ne poussent pas à l'optimisme. Le défi est de travailler à réduire la dépendance autant des recettes pétrolières que des marchés étrangers. Surtout que l'un et l'autre risquent de traverser de grosses zones de turbulences du fait de la crise budgétaire que connaît l'Europe. Il est de notoriété publique que la crise impacte fortement le cours des céréales et ce pour peu que les spéculateurs s'y intéressent un peu qu'ils ne le font actuellement LE STRESS DE LA RAREFACTION DES RESSOURCES Jusqu'à 2030-2040, les recettes pétrolières continueront à payer la facture alimentaire. Au-delà, le futur alimentaire paraît incertain. Les problématiques de diversification des ressources substituables aux hydrocarbures deviennent de plus urgentes à développer. En effet, si des solutions alternatives fondées sur la création de valeur ajoutée, sur l'amélioration des productions et sur la création de services exportables ne sont pas mises en œuvre, il est probable que la prochaine crise alimentaire mette à nu la vulnérabilité du pays en la matière avec une acuité dont les effets sociaux peuvent être terribles. Le passage d'importateur agroalimentaire à celui d'acteur dans les échanges internationaux est un long et difficile chemin. Il est la somme de tous les efforts de développement d'un pays. La sécurité alimentaire, estime un chercheur, «relève de presque tous les secteurs qui influent, chacun de sa manière, sur les facteurs qui la déterminent. Ceux-ci vont de l'idée même de la sécurité alimentaire aux modèles de consommation, en passant par la gestion des ressources rares (eau, terre, espaces), le changement climatique, la régulation du marché agricole national, le développement des filières agroalimentaires, le marché mondial et la volatilité des prix des produits alimentaires, soit au développement durable dans son ensemble».