C'était une sorte de ligne Maginot économique élevée par le président Nicolas Sarkozy : préserver à tout prix le triple A de la France. Un entêtement politique risqué alors que pour les économistes et les spécialistes, la France avait déjà perdu la note depuis des mois. La ligne vient de tomber officiellement. Standard & Poor's sanctionne Sarkozy. Les responsables français ont commencé, tardivement, à ajuster leur discours en essayant de banaliser la perte du triple A après avoir fait de sa préservation un combat national de première importance. L'ajustement ne passe pas. L'opposition, après avoir constaté que Sarkozy faisait campagne sur la préservation du triple A, ne se prive pas de pointer son échec. L'agence Standard & Poor's a, en effet, confirmé vendredi la dégradation de la note souveraine de la France qui passe de la plus haute note AAA' à AA+, avec perspective négative. En clair, la note souveraine de la France pourra encore être dégradée à moyen terme. La possibilité d'une dégradation en 2012 ou 2013 est d'»au moins une sur trois», indique l'agence de notation. En faisant de ce triple A un objectif politique essentiel, le président français se retrouve aujourd'hui dans une situation inconfortable. Il s'est créé une bataille, il l'a perdue. Circonstance aggravante : le maintien du AAA pour l'Allemagne ne permet pas d'invoquer sérieusement l'argument -avancé par un conseiller du président français- d'une mesure à caractère général qui concerne toute la zone euro. Nicolas Sarkozy, qui cherchait à faire jeu égal avec l'allemande Angela Merkel, ne peut plus nier le décrochage de la France par rapport à son principal partenaire. UNE BATAILLE PERDUE François Hollande, candidat socialiste à l'élection présidentielle, ne s'est donc pas privé de constater que la bataille du triple A, lancée par Sarkozy, a «été perdue». Pour lui, c'est la politique de Sarkozy qui «a été dégradée, pas la France», et il a chargé le président français en soulignant que sa politique avait «manqué de cohérence, de constance, de clairvoyance et de résultats». L'électrochoc politique est plus important en France qu'ailleurs en raison justement de cette mise en exergue politicienne sous un mode très patriotique de la nécessité de préserver le triple A. Dans les autres pays européens touchés par des mesures de dégradation, le couperet était largement attendu. Et donc mieux absorbé. L'Espagne baisse de deux crans en reculant à un simple A avec perspective négative; il en est de même pour l'Italie qui passe à BBB+; du Portugal, à BB en catégorie spéculative et, enfin, de Chypre, qui passe à BB+ en catégorie spéculative. L'Autriche tombe à AA+, la Slovénie à A, la Slovaquie à A+ et Malte notée A-. Les seuls à éviter la dégradation sont l'Allemagne qui garde son AAA avec perspective stable et la Finlande qui le conserve également mais sous perspective négative. C'est toute la zone euro, sauf l'Allemagne et la Slovaquie, qui est sous perspective négative. Des responsables européens mettent en exergue que les deux autres agences de notation concurrentes n'ont pas dégradé la France tout comme elles ne l'ont pas fait pour les Etats-Unis. L'argument est souvent avancé pour minimiser l'impact du déclassement. C'est un fait que l'impact de la perte du triple A des Etats-Unis n'a pas eu une incidence sur sa capacité à s'endetter à bon marché. Encore faut-il souligner que l'économie américaine est beaucoup plus forte et qu'elle est adossée à un dollar qui sert de monnaie universelle. L'ALLEMAGNE AU «CLUB NORD», LA FRANCE AU «CLUB MED» Standard & Poor's a expliqué que la dégradation de la note de la France est due à «l'aggravation des problèmes politiques, financiers et monétaires dans la zone euro à laquelle la France est étroitement liée». En fait, pour les marchés, la France a déjà perdu son triple A depuis plusieurs mois et elle paie déjà plus cher ses emprunts sur les marchés internationaux. La décision de Standard & Poor's est donc une mise à jour au sens strict du terme. Outre un échec de Sarkozy, le «classement» de Standard & Poor's trace une ligne nette entre une Europe du Nord «sérieuse», «rigoureuse» ayant de perspectives sérieuses de croissance et une Europe du Sud, le «club Med», en proie aux difficultés financières et sur une pente de récession. L'Allemagne se trouve dans le club nord, la France dans le «club Med». Le «couple» Allemagne-France, censé être le moteur de l'Europe, ne fonctionne plus à la même vitesse.