En Syrie, c'est vraiment la bouteille à l'encre et la situation empire de jour en jour, avec un bras de fer de plus en plus rugueux entre les capitales occidentales et l'axe Moscou-Pékin. Et, aux appels des Occidentaux avec une montée au front de la France et des Etats-Unis, pour la fin du régime d'Al-Assad, répondent en choeur Mouscou et Pékin qu'il ne faut surtout pas répéter le cas libyen en Syrie. Toute cette dialectique diplomatique qui a suivi la conférence de Tunis des 'Amis de la Syrie'' a presque occulté le vote, dimanche, des Syriens pour une nouvelle constitution, proposée par l'actuel régime. Ce référendum a été vivment critiqué par l'opposition syrienne et les pays occidentaux, qui estiment qu'il ne fait que fausser le débat sur l'instauration de la démocratie dans le pays. Les bureaux de vote pour le référendum ont ouvert à 07H00 (05H00 GMT) et devaient fermer à 19H00, mais le scrutin a été prolongé jusqu'à 22H00 (20H00 GMT) dans certaines régions, selon les médias officiels. Le président Bachar Al-Assad a voté dans l'après-midi au siège de la télévision d'Etat, sous les acclamations d'une foule scandant «Dieu, la Syrie, Bachar et c'est tout». Plus de 14 millions de Syriens se sont prononcés sur le texte qui instaure le «pluralisme politique» et met fin à l'hégémonie du parti Baas, au pouvoir depuis un demi-siècle, mais maintient de larges prérogatives au chef de l'Etat et permet à M. Assad de rester au pouvoir en théorie encore 16 ans. La nouvelle constitution a été approuvée par 89,4% des votants, selon le ministre de l'Intérieur, Mohammed Nidal Al-Chaar. 8,37 millions de votants ont été enregistrés, soit 57,4% du corps électoral», selon le ministre qui a précisé que 753.208 votants ont dit non' à cette nouvelle constitution, soit 9%, et il y a eu 132.920 bulletins nuls. L'opposition et les militants pro-démocratie, qui exigent avant tout le départ du président syrien, ont appelé à boycotter ce scrutin, qualifié de «plaisanterie» par les Etats-Unis. C'est dans un semblant de 'remake'' des circonstances qui avaient précédé l'intervention des Occidentaux en Libye que la secrétaire d'Etat américaine, Hillay Clinton, a demandé dimanche, depuis Rabat, à l'armée syrienne de placer l'intérêt du pays avant la défense du régime «illégitime»de Damas, et invité ceux qui le soutiennent encore à l'abandonner «car il va tomber». «Nous exhortons les membres de l'armée syrienne à faire primer l'intérêt du pays», a déclaré Mme Clinton ajoutant que, ce faisant, ils seront considérés comme des «héros». Pour autant, elle est restée sceptique sur la question d'armer l'opposition syrienne, et a dit craindre que ces armes ne tombent entre les mains d'Al-Qaïda ou du Hamas. «Soutenons-nous Al-Qaïda en Syrie?», s'est-elle interrogée avant d'ajouter dans un entretien à la chaîne CBS: «Le Hamas soutient maintenant l'opposition. Soutenons-nous le Hamas en Syrie?» Cette attitude circonspecte des Etats-Unis sur la question de la livraison d'armes à l'opposition syrienne n'a pas pour autant fait réflechir le Qatar dont le Premier ministre a revendiqué un tel soutien. Hamed Ben Jassem Al-Thani a affirmé que 'nous devrions faire tout ce qui est nécessaire pour les aider (l'opposition), y compris leur fournir des armes pour qu'ils puissent se défendre», a-t-il déclaré lors d'une visite officielle en Norvège. «Ce soulèvement a maintenant un an. Pendant dix mois, il était pacifique: personne ne portait d'armes, personne ne faisait quoi que ce soit de violent. Et Bachar a continué à les tuer», a-t-il ajouté lors d'une conférence de presse. Il ajoute que 'j'estime par conséquent qu'ils ont raison de se défendre avec des armes et je pense qu'on devrait aider ces gens avec tous les moyens nécessaires». PEKIN-MOSCOU: MEME COMBAT Ce n'est pourtant pas l'avis de la Chine qui a qualifié, lundi, d'»inacceptables» les propos de la secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton, qui a appelé à pousser Pékin et Moscou à «changer de position» sur la Syrie, après les veto empêchant le Conseil de sécurité de l'ONU de condamner la répression. «Le monde extérieur ne devrait pas imposer son supposé plan de solution de la crise au peuple syrien», a déclaré le ministère chinois des Affaires étrangères. De son côté, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a fustigé le «caractère unilatéral» de la conférence des «Amis de la Syrie» vendredi à Tunis, boycottée par Moscou et Pékin. Dans un article publié lundi à Moscou, le Premier ministre russe, Vladimir Poutine, a démonté quant à lui l'attitude «cynique» de l'Occident. Les Occidentaux «manquent de patience pour élaborer une approche équilibrée» à l'égard de la Syrie, a insisté M. Poutine, expliquant qu'il aurait suffi de «demander que l'opposition armée fasse la même chose que les forces gouvernementales», c'est-à-dire de cesser le combat et se retirer des villes. Sur le terrain et selon un bilan de l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), au moins 14 personnes ont péri et des dizaines ont été blessées dans des violences, lundi, à travers la Syrie, après un week-end sanglant marqué par plus de 150 morts.