Le Front des forces socialistes a décidé de participer aux élections législatives par «nécessité tactique». Ce n'est pas une surprise, la tendance dominante dans les discussions au sein de ce parti allant dans le sens de la participation, avec cependant un souci ouvertement exprimé de ne pas rééditer l'expérience de la participation de 1997 qui a laissé un goût amer. Hocine Aït Ahmed, dans une lettre remarquable qui aurait pu s'intituler «Ce que nous sommes et ce qu'est le régime» (ou bien «vous avez votre religion et nous avons la nôtre» en matière de démocratie), n'a pas ignoré les appréhensions. Il y a bien entendu le risque de servir de faire-valoir pour crédibiliser le scrutin, mais aussi un pernicieux processus d'engluement dans le fonctionnement «corrupteur» d'un régime que l'on veut changer. Comment se prémunir et la formule fait sens chez les militants du FFS de la très «puissante attractivité de la mangeoire du régime ?». Si, pour les clientèles traditionnelles du régime, aller au Parlement, c'est très clairement emprunter la passerelle de l'accès aux privilèges, cela ne peut constituer un projet pour un parti dont l'objectif est de parvenir à un changement pacifique et démocratique. Et dans cette belle lettre politique, Hocine Aït Ahmed fait un éloge du politique. Sans se faire d'illusions sur les intentions du régime qui vient «demander aux Algériens d'aller voter pour sauver le pays des périls sans rien changer de sa démarche On ne nous apprend rien. Cela fait des décennies que nous vous disons que votre démarche conduit le pays à sa perte !». Pourquoi participer dans ces conditions ? Pourquoi prendre un tel risque politique ? La réponse la plus simple est qu'il n'y a pas de bon choix à faire. On peut ajouter que l'idée d'un «boycott actif» n'a jamais trouvé de traduction pratique, surtout qu'on se fait un point d'honneur de ne jamais sortir du cadre du combat pacifique. La permanence d'une ligne oppositionnelle sans concession a été préservée mais dans une forme de repli sur soi, voire d'hibernation. Il est difficile de nier que les vingt dernières années ont été, sous l'effet de la double violence du pouvoir et des islamistes, celles d'une «régression phénoménale», où le «renforcement du régime s'est fait dans le sillage du démantèlement de structures de l'Etat partout à travers le pays». Participer dans ces conditions est un risque que le FFS assume franchement. «Notre but est dans la remobilisation politique et pacifique de notre parti et de notre peuple», écrit Aït Ahmed. On peut être sceptique, mais il faut bien constater qu'il y a un grand problème de visibilité des alternatives politiques. Et cela ajoute au désarroi et au marasme. Face à un régime retors, l'un des risques de la participation est de donner une opportunité de créer, pour la forme, une «caste» de députés qui fonctionne pour elle-même, sans mission politique ou bien en oubliant sa mission politique. A l'évidence, l'écueil est réel. Et le FFS veut se donner les moyens pour que ceux qui deviendront des députés restent des militants. C'est moins de la défiance à l'égard de ceux qui deviendront des députés que la mise en œuvre d'un engagement et d'un contrat transparent. «Nous pouvons, nous devons et nous allons nous donner les moyens du contrôle de notre participation. Cette participation a tiré les enseignements de nos lacunes de 1997 et nous allons tout mettre en œuvre pour les combler». Le FFS veut éviter que le choix tactique de participer ne devienne une «charge» en se donnant le moyen d'en sortir en cas de nécessité. Remobiliser, se prémunir de la «mangeoire», faire œuvre de pédagogie, redonner de la visibilité à l'alternative face à la double violence, du régime et des intégristes islamistes, le programme est généreux. Mais face à un régime qui ne donne pas de vrais signes d'ouverture, cela ne sera pas une promenade. Loin de là !