Dans l'âpre lutte contre l'économie informelle et la fraude fiscale, le ministère du Commerce change son fusil d'épaule et plutôt que de s'entêter à combattre les petites infractions commerciales qui n'en sont que les effets, veut désormais concentrer l'essentiel de son travail sur les producteurs et les importateurs. C'est, en tous les cas, ce que le directeur général du contrôle économique et de la répression des fraudes au ministère du Commerce, Abdelhamid Boukahnoun, a déclaré, hier, estimant que, compte tenu de l'importance de leurs activités et des quantités de marchandises introduites sur le territoire national, les plus grands fraudeurs se recrutent dans les rangs des importateurs: «La plupart des produits commercialisés sur les marchés et qui ne sont pas conformes à la qualité proviennent de l'importation», a-t-il assuré en indiquant que l'action de contrôle était désormais orientée vers cette catégorie de commerçants. Et parmi les mesures initiées par les pouvoirs publics pour assainir le marché extérieur et amener les importateurs à travailler dans les limites fixées par la loi, l'invité de la rédaction de la chaîne 3 a rappelé que parmi les 35.000 opérateurs de l'import-export inscrits au Centre national du registre du commerce (CNRC), plus de 15.000 sont portés sur le fichier national des fraudeurs détenu par la Direction générale des impôts, dont 12.000 pour non dépôt des comptes sociaux et les 3.000 restants pour diverses infractions liées aux pratiques commerciales illicites (exercice en dehors des locaux ou défaut de facturation) et des procédés portant atteinte à l'économie nationale comme l'évasion fiscale, manque de transparence et de loyauté dans les transactions commerciales. Interrogé sur «l'insignifiance» des 155 milliards DA (qui représenteraient 20% du volume réel) déclarés par le ministère comme étant le montant des transactions opérées sur le marché informel ces trois dernières années comparativement aux 600 milliards de dinars avancés par le Forum des chefs d'entreprises, le directeur général du contrôle économique et de la répression des fraudes a rétorqué qu'il ne s'agissait ici que d'estimations, aucune étude fiable n'ayant été réalisée sur le sujet. Ce qui est, en revanche, certain pour le responsable, c'est que «l'Etat n'a pas reculé devant la pression des fraudeurs» et des mesures ont été prises pour lutter contre une fraude qui, a-t-il néanmoins reconnu, a pris de l'ampleur en raison de plusieurs facteurs comme la transition économique, le grand nombre d'intervenants sur le terrain, la décennie noire Parmi ces mesures phare, il citera l'instauration du fichier des fraudeurs qui signifie l'interdiction de toute activité liée au commerce extérieur et l'exclusion des marchés publics et des avantages fiscaux, les nouvelles modalités de renouvellement du registre de commerce pour les opérateurs activant dans le commerce extérieur, le renforcement des effectifs (de 4.000 il y a deux années, le nombre des agents de contrôle est aujourd'hui de 7.000 et devrait atteindre les 11.000 à l'horizon 2014). Au chapitre des bilans chiffrés pour ces trois dernières années, Abdelhamid Boukahnoun a indiqué que les services de contrôle du ministère du Commerce avaient effectué près 2.800.000 interventions au cours desquelles 727.000 infractions aux pratiques commerciales et à la qualité ont été enregistrées et conduit à la fermeture de plus de 31.000 commerces. L'essentiel des infractions concernait le défaut d'affichage des prix, le défaut de facturation, la vente et revente des matières premières destinées à la production et la non conformité des produits et services mis à la consommation. Pour la seule année 2011, quelque 28.300 commerçants ont été épinglés pour défaut de publicité des prix et tarifs, soit 31% de l'ensemble des 160.000 infractions enregistrées, 8.211 pour défaut de registre de commerce ou carte d'artisan, 7.887 pour avoir exercé des activités commerciales sans local et 6.000 pour défaut de facturation. Quant aux pratiques illicites autour des produits réglementés (pain, semoule, lait, sucre, huile), seulement 2.500 ont été enregistrés, soit un taux minime de 2% du volume global. En ce qui concerne le contrôle de la qualité, 400.000 interventions ont été effectuées l'année passée et abouti à l'enregistrement de 58.000 infractions de produits et services non conformes. «Chaque année, les services du ministère réalisent un million d'interventions à travers le territoire national, constatent 160.000 infractions diverses, procèdent à la fermeture de 32.000 locaux commerciaux Ces trois dernières années, nous avons saisi une quantité de marchandises d'une valeur de deux milliards et demi de dinars et avons transmis à la justice 485.000 dossiers pour des poursuites judiciaires», a encore énuméré Abdelhamid Boukahnoun pour démontrer que l'Etat n'est pas absent malgré seulement 7.000 agents pour contrôler 1.500.000 commerçants à travers le territoire national.