Le président-candidat Nicolas Sarkozy, affaibli au premier tour, devait impérativement convaincre les électeurs du Front national de se rabattre sur lui. C'était prévisible. Personne ne pouvait au fond lui reprocher de ne pas s'avouer vaincu et d'essayer de remonter la pente. Les lois de l'arithmétique le contraignent à tout faire pour convaincre le bloc électoral, substantiel, des 6,4 millions de Français qui ont choisi Marine Le Pen au premier tour. Il lui reste une maigre possibilité de l'emporter et ce sera nécessairement dans ce vivier électoral de l'extrême droite qu'il a d'ailleurs contribué à gonfler. Quoi de plus normal que d'entendre un candidat dire qu'il «comprend» les raisons qui ont poussé ces électeurs à se porter sur la candidate de l'extrême droite, fille d'un tortionnaire qui a sévi dans notre pays. Le problème est que sa prétention à écouter les «souffrances» de ceux qui ont voté pour l'extrême droite le porte à adopter, jusqu'à la caricature, les thématiques du Front national. Mieux, le cordon de sécurité que la droite classique, dite républicaine, a établi à l'égard du FN est allègrement balayé par le candidat de l'UMP en quête de voix. Désormais, Le Pen (et donc le FN) est «compatible avec la République». La mise en évidence de cette déclaration de Sarkozy par une partie de la presse française suscite une réponse de type juridique sur le mode de Marine Le Pen qui a été autorisée par la République à être candidate, donc c'est un parti démocratique Juridiquement, l'argument tient, politiquement, non. Le FN a une existence juridique depuis fort longtemps, mais la droite «républicaine» - dénomination destinée justement à la différencier de Le Pen et de ses avatars - s'était interdit de lui concéder une quelconque respectabilité. Désormais, cette ligne est rompue. La ligne, rendue ténue depuis des années par la surenchère à droite, est rompue. Sarkozy est candidat de l'UMP, il se veut ouvertement candidat des idées de Le Pen. On s'attendait à ce qu'il «pourrisse» le deuxième tour, il dépasse toutes les prévisions en reprenant à l'identique la thématique incantatoire et fabulatrice du Front national contre les immigrés et l'Islam. Il vient d'y ajouter la détestation de la presse qui pourtant est largement détenue par des forces d'argent qui lui sont favorables. Sarkozy voulait «siphonner» l'électorat d'extrême droite à Marine Le Pen, c'est désormais le FN qui sert d'horizon politico-intellectuel à la droite. Tout y passe, le florilège du pense-bête lepéniste est ressorti avec une jubilation décomplexée. Le voile, la burqa, le vote des immigrés qui, comme tous les dirigeants du FN le claironnent, sont là pour profiter du système social français. On attend plus que le retour du halal. La «fin ne justifie pas tous les moyens» , écrit Le Monde dans son éditorial du jour dans lequel il relève le paradoxe d'un Sarkozy dénonçant le «système» qui, dans le cas d'espèce, est la «République dont il devrait être le garant». Mais le bulldozer Sarkozy, entièrement à sa quête compulsive du pouvoir, est déjà hors des limites politiques et morales de ce qu'a été la «droite républicaine». Pour lui, tous les moyens sont bons