Les anciens dirigeants libyens en clandestinité commencent à sortir leurs documents. Le premier, révélé par Médiapart, tacle le candidat Sarkozy qui hurle, sans convaincre, au complot ourdi. Tout indique que ce premier document n'est qu'un hors-d'œuvre. Les proches de Kadhafi se rappellent au bon souvenir de Sarkozy. Il y a des comptes lourds à solder. Avant d'être son «tombeur» via une intervention militaire de l'Otan, fondée sur un détournement des résolutions du Conseil de sécurité, Nicolas Sarkozy était très «copain» avec le colonel Mouammar Kadhafi. C'est d'ailleurs l'une des raisons de la sidération du clan Kadhafi qui n'arrivait pas à croire que ce «cher ami» s'est transformé en ennemi. Saïf Al Islam avait évoqué des documents compromettants contre les dirigeants européens et notamment Sarkozy. En mars 2011 sur «Euronews», Seïf Al-Islam Kadhafi affirmait que «c'est nous qui avons financé sa campagne, et nous en avons la preuve. Nous sommes prêts à tout révéler. La première chose que l'on demande à ce clown, c'est de rendre l'argent au peuple libyen. Nous lui avons accordé une aide afin qu'il œuvre pour le peuple libyen, mais il nous a déçus. Rendez-nous notre argent. Nous avons tous les détails, les comptes bancaires, les documents, et les opérations de transfert. Nous révélerons tout prochainement». Seïf Al Islam étant «out», entre les mains des nouveaux «amis» libyens des dirigeants européens, ce sont «d'anciens hauts responsables du pays, aujourd'hui dans la clandestinité» qui ont communiqué «ces tout derniers jours», à Mediapart, un sulfureux document signé par Moussa Koussa, ancien chef des services libyens, actuellement au Qatar. Le document parle d'un «accord de principe» de Kadhafi pour financer la campagne électorale de Nicolas Sarkozy pour les présidentielles de 2007. Le document est vraisemblablement authentique, même si le clan Sarkozy hurle à la manipulation. Il n'a, en effet, rien d'extraordinaire. On sait que le clan Kadhafi a œuvré, après 2001, à «s'acheter», au sens propre du terme, une «respectabilité» en arrosant à tout-va en Europe. UN HORS-D'OEUVRE Cette partie de l'histoire reste à découvrir si les documents, dont faisait état Seïf Al Islam, étaient à l'abri et révélés. On en apprendrait beaucoup de choses sur les mœurs peu «ragoutantes» de Kadhafi ce n'est pas un scoop mais aussi de ses respectables ex-amis. De ce point de vue, le document Koussa n'est qu'un hors d'œuvre Le document, en arabe, n'en est pas moins gravissime pour Nicolas Sarkozy. Il fait état d'un «accord de principe» pour «appuyer la campagne électorale du candidat aux élections présidentielles, M. Nicolas Sarkozy, pour un montant d'une valeur de 50 millions d'euros». Le document n'indique pas si un tel financement a effectivement eu lieu, les détails de la mise en œuvre faisant partie des compétences des services. Mais le texte de Koussa précise qu'une réunion s'est tenue le 6 octobre 2006 avec la participation du «directeur des services de renseignements libyens (Abdallah Senoussi, ex-chef du renseignement militaire, actuellement détenu en Mauritanie) et le président du Fonds libyen des investissements africains (Bachir Saleh, ndlr), et du côté français M. Brice Hortefeux et M. Ziad Takieddine». Au cours de cette réunion, indique le texte, «il y a eu un accord sur le montant de la somme et la modalité de versement. Nicolas Sarkozy et ses proches sont montés au créneau pour dénoncer une «infamie» et un complot ourdi par le site de Mediapart. Celui-ci est présenté comme une «officine financée par de riches amis de François Hollande» (dixit François Fillon), «coutumier des mensonges». Bachir Saleh, ex-président du Fonds libyen des investissements africains, qui, selon le site d'informations, a reçu cette note sur un soutien libyen à la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007, a démenti dimanche «avoir été jamais destinataire d'un tel document». Mais le démenti est d'autant plus mis en doute que Bachir Saleh, officiellement recherché par Interpol, est mis à l'abri par les autorités françaises. Elles ont en effet accordé, début avril, un titre de séjour en France «au nom du regroupement familial». DANS LES ALCOVES DE KADHAFI Mais, l'ancien intermédiaire Ziad Takieddine, qui a introduit les membres du clan Sarkozy dans les alcôves de Kadhafi et qui est poursuivi par la justice française, a souligné que le document prouve qu'on est en présence d'une affaire d'Etat, que ces 50 millions d'euros aient été versés ou non». Son avocate, Me Samia Maktouf, a déclaré que son client «pense que le document est crédible». M. Takieddine a également assuré qu'il reconnaissait la signature de M. Koussa, actuellement au Qatar. La droite française réagit comme l'aurait fait Kadhafi, en utilisant le vocabulaire paranoïaque des régimes autoritaires en dénonçant des complots ourdis. Or, même si le document tombe en pleine campagne pour le second tour des élections présidentielles, le site Médiapart a multiplié, durant toute une année, des révélations sur ces liens sulfureux entre Sarkozy et le régime de Kadhafi. A l'évidence, les anciens dirigeants libyens qui ont transmis ce document à Médiapart ont des comptes à régler avec un «ami» qui leur a fait la guerre après avoir profité de leurs largesses. Kadhafi, dont la liquidation physique semblait rassurer plein de dirigeants européens, commence à rattraper Sarkozy. La justice française - qui ne va, sans doute, pas bouger avant le second tour pour éviter le risque d'être accusé de prendre parti dans la bataille électorale a du pain sur la planche. D'autres documents pourraient sortir La «damnation» de Kadhafi va poursuivre Sarkozy. Elle pourrait rattraper d'autres dirigeants européens, comme Tony Blair, par exemple Les politologues, si les documents sortent, pourraient écrire un chapitre sur la mode de la filouterie dans les relations internationales et spécialement dans les fabuleux «transferts» Sud-Nord