Personne n'aurait parié sur François Hollande il y a un an à peine. Mais l'ambition a révélé un homme, totalement, différent de la caricature qu'en donnaient les médias et les faiseurs d'opinion. Les guignols, qui présentaient François Hollande comme un homme stupide et indécis, se sont, lourdement, trompés. Leur erreur a été lourde de conséquences auprès d'une opinion publique prise à contre-pied par des faiseurs d'opinion vouant ce ténor de la gauche française à un simple rôle de figurant. Jusqu'à ce que le candidat à la présidentielle française de 2012 ne s'affirme contre la nomenklatura de droite et de gauche, et révèle un caractère bien trempé, lors d'un affrontement décisif, durant lequel il prenait l'ascendant sur Nicolas Sarkozy, pour remporter, haut la main, l'élection présidentielle. Celui qui se présente comme l'héritier de François Mitterrand semblait, pendant de longues années, destiné à jouer les seconds couteaux au profit de personnages flamboyants de la gauche caviar. C'était cependant méconnaitre un homme qui, à 57 ans, s'apprête à devenir le second président de gauche de la 5ème république. François Hollande a pourtant un itinéraire qui aurait dû faire réfléchir ceux qui se moquaient de son caractère et de son physique ronds, de son sens de l'humour et de ses répliques. Car derrière cette apparence inoffensive, se cachait un homme décidé, méthodique, ambitieux, attendant son heure. Signe de cette détermination : François Hollande a choisi d'être de gauche contre l'avis d'un père qui flirtait avec l'extrême droite. C'est le signe d'un caractère bien trempé, et d'une détermination qui allait le mener au sommet. Après l'ENA, où il rencontre Ségolène Royal, future mère de ses quatre enfants, il s'engagea au Parti Socialiste, où la victoire de Mitterrand en mai 1981 le propulsa dans les premiers cercles du pouvoir. Il y fait connaissance avec les rouages du pouvoir, mais contrairement à tous ses amis et rivaux, il n'est jamais ministre. Il prend le parti socialiste pour accompagner Lionel Jospin, devenu premier ministre. L'échec de celui-ci, en 2002, provoqua un séisme, auquel François Hollande survit péniblement. Mais Ségolène Royal, avec laquelle il est en instance de séparation, lui ravit la vedette pour les présidentielles de 2007. A cette époque, il effectue une visite à Alger, en compagnie de celui qui sera son directeur de campagne, Pierre Moscovici, pour promouvoir la campagne de celle qui allait être battue par Nicolas Sarkozy. L'échec de Ségolène Royal place François Hollande dans une situation délicate. D'autant plus qu'il quitte peu après la tête du parti Socialiste, comme s'il admettait de ne plus jouer les premiers rôles. Des candidats, autrement plus flamboyants, sont en effet en lice, comme Dominique Strauss-Kahn, qu'un faux consensus semblait désigner naturellement pour succéder à Nicolas Sarkozy. A défaut, disait-on, Martine Aubry, fille de Jacques Delors, l'homme qui avait refusé d'être président en 1995, pouvait faire l'affaire. Strauss-Kahn et Aubry avaient même passé un pacte qui devait les amener à un désistement mutuel en faveur du candidat le mieux placé. Les jeux étaient donc faits. François Hollande, de son côté, se préparait comme si de rien n'était. Il se mettait en retrait de la vie politique pour parcourir la France. Il entamait un régime pour changer de look, et perdre une quinzaine de kilos. Il changeait de lunettes, et introduisait, discrètement, sa nouvelle compagne dans la vie politique. Puis, ce fut la tempête. Strauss-Kahn a été emporté par une tornade. Martine Aubry, une femme cassante, autoritaire, faisait peur aux appareils politiques. C'est alors que François Hollande émergeait comme un homme «normal», aspirant à devenir un président «normal», pour bien marquer sa différence avec Nicolas Sarkozy, Dominique Strauss-Kahn et tous les autres. Mais cet homme falot, mou, ce «capitaine de pédalo», que les guignols présentaient comme un personnage approximatif, à la limite de la stupidité, ne tiendrait pas le coup face à Nicolas Sarkozy. Il suffirait au président en exercice de se mettre en mouvement pour le broyer, disaient à l'unisson analystes et commentateurs. Pourtant, François Hollande imposait, progressivement, une ligne de conduite qui finissait par surprendre ses adversaires, avant de les impressionner. Il a d'abord réussi à ne pas s'aliéner les courants de gauche qui pouvaient lui être hostiles, avant de séduire une partie de l'électorat centriste. Puis, son action a débordé. Alors que les analystes persistaient à dire que le vote Hollande ne suscitait pas de passion, le candidat de gauche créait un véritable mouvement autour de sa personne. Les gens le découvraient à travers ses discours et ses meetings, et découvraient un personnage différent de celui que présentaient les médias et les directeurs de conscience. Un homme simple, de son temps, moderne, courtois, mais ferme, cohérent, ne cédant rien sur les principes, émergeait. Avec trois temps forts, Il a affirmé que la finance constituait un danger, et il a tenu cette position. Ensuite, sa volonté de réviser le pacte européen, imposé par l'allemande Anglea Merkel, a fait sourire dans un premier temps. Il a fini par avoir gain de cause avant même son élection. Enfin, son duel face à Sarkozy, présenté comme un redoutable débatteur, finissait à faire basculer l'opinion en sa faveur : non seulement il a tenu tête à son rival, mais il a fait meilleure impression. Ce qui lui a permis d'accéder au pouvoir. Comment il l'exercera, et au profit de qui ? C'est une autre histoire. Pour l'Algérie et le Maghreb de manière générale, François Hollande sera, certainement, mieux accueilli que Nicolas Sarkozy. Au sein de l'opinion, particulièrement, les Maghrébins installés en France, ce sera un soulagement de ne plus voir un pouvoir reprendre des thèses proches de celles de l'extrême-droite. Pour les pouvoirs en place, Sarkozy a constitué un vrai danger en menaçant la stabilité de la région à travers son aventure libyenne. François Hollande n'en sera que mieux accueilli. Jusqu'à ce qu'il montre ses projets, sur lesquels il est resté très discret pendant la campagne électorale.