La question d'une remise en cause du rôle du dollar en tant que monnaie de référence pour les transactions pétrolières et gazières revient de manière régulière dans l'actualité internationale. On se souvient des tentatives irakienne et libyenne de vendre de l'or noir en euros. A ce sujet, on sait que nombre de politologues n'excluent pas que ces décisions ont beaucoup pesé dans l'intervention de forces étrangères, notamment étasuniennes, contre les régimes de Saddam Hussein et de Mouammar Kadhafi. Quoi qu'il en soit, le dollar américain reste encore l'unité de compte incontournable dans les contrats d'hydrocarbures et cela contribue à en faire la première monnaie mondiale. L'EMBARGO DETOURNE C'est désormais au tour de l'Iran de remettre en cause cette prééminence. Comme vient de le révéler le Financial Times, Téhéran accepterait d'être payé en yuans (ou renminbis) pour ses livraisons de pétrole à la Chine (*). Ce serait la conséquence directe des pressions entretenues par Washington pour obliger de nombreux pays à mettre en place un embargo sur les exportations iraniennes de brut. Plusieurs compagnies chinoises ont d'ailleurs été sanctionnées par l'administration Obama pour avoir opéré en Iran. Du coup, des mécanismes de contournement ont été mis en place afin d'échapper à ces sanctions. Selon le Financial Times, l'un des procédés habituels est que les exportations iraniennes soient payées en renminbis à travers des banques russes (lesquelles prélèvent au passage des commissions conséquentes). Et comme le renminbi chinois n'est pas une monnaie convertible, ces sommes payées par des opérateurs chinois tels que Unipec, filiale du géant Sinopec, servent à l'Iran à acheter en retour des produits chinois, et donc, là aussi, à contourner l'embargo commercial que tentent de lui imposer les Etats-Unis et leurs alliés européens. Ainsi, cette question du pétrole iranien payé en yuans ne pose pas uniquement la question des sanctions contre le projet nucléaire de la République islamique. Il y a aussi la volonté manifeste de la Chine d'internationaliser progressivement sa monnaie. Déjà, certains analystes évoquent l'idée que l'Iran pourrait commercer en yuans avec la Turquie, un autre pays avec lequel Pékin a mis en place un système de paiement utilisant la devise chinoise. Enfin, comme autre point majeur de cette thématique, apparaît le fait que les Etats-Unis peinent visiblement à imposer leur point de vue sur l'Iran à leurs partenaires asiatiques. LA PLACE STRATEGIQUE DE L'IRAN Il faut dire que l'Iran est l'un des principaux fournisseurs de pétrole à l'Asie. La Chine, le Japon, la Corée du Sud et l'Inde absorbent ainsi 60% des exportations iraniennes (dont 25% pour la seule Chine). Il faut noter d'ailleurs que l'Inde paye aussi une partie du brut iranien qu'elle achète en roupies. L'Iran est donc un partenaire stratégique pour des pays asiatiques quelque peu agacés par les pressions américaines car, dans l'affaire, c'est leur sécurité énergétique qui est en jeu. Dans un contexte mondial marqué par la raréfaction des sources d'approvisionnements pétroliers, la Chine et ses voisins ne peuvent donc accepter que leurs économies soient pénalisées par une fermeture du robinet pétrolier iranien. Et l'une des conséquences de ce bras de fer est la mise en place de mécanismes destinés à se passer du dollar dans les transactions pétrolières. (*) Iran accepts renminbi for crude oil, 7 mai 2012.