L'Université algérienne n'est pas au mieux de sa forme. C'est devenu presque un sens commun. Dévalorisée, assimilée à une fabrique de chômeurs, cette institution fait parler d'elle par les scandales qui la secouent, ayant trait au marchandage des notes, des trafics des diplômes y permettant l'accès Les choix et les orientations des pouvoirs publics ne sont pas étrangers à la situation de délabrement dans lequel patauge ce qui est censé être un haut lieu de transmission du savoir. La faculté des Sciences sociales de l'Université d'Oran a décidé d'initier le débat, en mettant tout sur la table La faculté des Sciences sociales de l'Université d'Oran organise, les 26 et 27 mai prochains, un séminaire national intitulé « Repenser l'Université ». Déjà l'argumentaire qu'a consenti à nous communiquer le professeur Djamel Guerid, un des initiateurs de ce séminaire, est éloquent de par les constats qu'il relève et les questions qu'il pose. A partir d'un bref rappel de l'évolution, en termes statistiques, l'argumentaire établit un certain nombre de constats : de 500 étudiants en 1954, passant à 3.000 au lendemain de l'indépendance, l'Université algérienne reçoit aujourd'hui 1.300.000 étudiants. Mais ce qui est souvent présenté par le discours comme une fierté donne lieu à une autre lecture pour le sociologue. «L'Université se trouve aujourd'hui face à des problèmes nouveaux et inédits» touchant aux «composantes étudiante et enseignante», à «la langue et la culture dominantes». Mais aussi se rapportant aux «rapports pédagogiques, le rapport au travail et au savoir et la vision du monde et de l'avenir». Parmi les premières questions que le séminaire s'est fixé à traiter, une concerne l'implantation d'une université dans pratiquement chaque wilaya. Ce choix, instrumentalisé à outrance par le discours politique (revenir aux prestations de Belkhadem lors de la campagne électorale), comporte des risques selon la perception du sociologue. « N'y a-t-il pas risque ( .) de travailler à la formation d'élites régionales au dépens de la nécessaire élite nationale ? La multiplication des universités, le gigantisme de plusieurs d'entre elles et les besoins nouveaux exprimés par l'environnement n'exigent-ils pas de poser, en termes nouveaux, le problème de la gouvernance universitaire ? » Enfin, une autre question se rattache directement au système LMD, présenté par la tutelle comme le couronnement d'une réforme : « Que signifie l'insertion du système universitaire algérien dans le processus de Boulogne et quel premier bilan tirer de la généralisation du système LMD ? ». Bien évidemment, aux yeux des initiateurs de ce moment de réflexion sur l'université, on ne peut pas faire l'économie de l'examen du baccalauréat, le ticket sine qua non d'accès à l'université. Ainsi, lit-on: «Se pose avec insistance aujourd'hui le problème du baccalauréat qui attend une redéfinition de son statut». L'argumentaire rappelle par ailleurs une grave omission dans les débats sur l'université : il s'agit de la pédagogie. «Or, c'est par la pédagogie que fonctionne l'université en tant qu'instance de transmission des connaissances et du savoir ». Socle de la relation unissant l'étudiant à son enseignant, elle mérite « d'être repensée en fonction des transformations survenues à l'université et dans la société ». Et l'argumentaire constate que « nous avons à faire à de nouveaux étudiants avec de nouvelles exigences et préoccupations, de nouvelles manières d'être, de penser et d'agir ». Evoquant les interférences entre l'université et la société et leurs répercussions sur l'état d'esprit des étudiants, le texte note que « Les étudiants de toutes les disciplines savent qu'au sortir de l'université, ils ne trouveront pas de travail et ils savent aussi que le diplôme a cessé d'être le facteur décisif ou discriminant dans l'embauche ». Par conséquent, ils reproduisent au niveau de l'établissement universitaire des pratiques de plus en plus courantes en société, tels que « la dévalorisation du travail, la réussite par des moyens obliques, la tricherie, la violence, la menace et la corruption». Concernant ce que le texte a nommé «l'autre pôle de la relation pédagogique», c'est-à-dire le corps enseignant, on relève ce constat lourd de sens. «Dans une situation d'urgence et de pénurie, il était fatal que les niveaux d'exigence ne soient pas toujours conformes aux standards internationaux». Par niveaux d'exigence, il entend la compétence requise pour prétendre au statut d'enseignant à l'université. Et sans ambages, le texte conclut: «L'université algérienne dispose présentement d'un encadrement enseignant qui, dans sa majorité, n'est pas en conformité, scientifiquement et pédagogiquement parlant, avec les normes qui régissent les universités internationales.» C'est ce qui explique sa position en bas des tableaux des classements au niveau international et même régional. La combinaison de tous les facteurs et phénomènes cités s'est traduite inéluctablement par «le recul du poids de l'université dans la nation et la dégradation de son image, la mise en avant des écoles préparatoires et des grandes écoles». D'où l'urgence de «repenser l'Université» (l'intitulé de ce séminaire). Quant au timing et l'opportunité de ce débat, les organisateurs de cette manifestation le justifient par «aujourd'hui ( ), le savoir est devenu facteur moteur et structurant dans la société et facteur discriminant entre les sociétés.» Pas moins de treize communications sont programmées sur les deux jours de ce séminaire. On notera la participation de Abderrahmane Moussaoui de l'Université d'Aix-en-Provence, de Mohamed Bahloul de l'Université d'Oran, de Rouadjia Ahmed de l'Université de Msila, dont une contribution dans un titre de la presse nationale lui a valu une bourrasque de levée de boucliers. Rabeh Sebaa, Guerid Djamel, Lakjaa Abdelkader, tous de l'Université d'Oran, se relayeront avec Ghaouti Ahmed de l'Université d'Auvergne-Clermont1, Khelfaoui Hocine de l'Université du Québec, Drourari Abderrezak de l'Université d'Alger, Berkane Youssef de l'Université de Sétif et d'autres intervenants. Précisons que les travaux de ce séminaire auront lieu les 26 et 27 mai prochains à l'IGMO.