La situation créée au Nord-Mali par la défaite du MNLA face aux groupes islamistes s'étant coalisés contre lui bouscule tous les plans qui ont été échafaudés en vue d'une issue pacifique à la crise malienne. L'on voit mal en effet une solution de cette sorte être rendue possible maintenant que le MNLA, seule force armée au Nord-Mali disposée à l'envisager, a été supplanté par ses rivaux et chassé des villes et localités de l'Azawad. Une réalité qui s'est imposée à la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) et lui a fait lancer un appel pressant au Conseil de sécurité de l'ONU pour qu'il «accélère» l'adoption d'une résolution autorisant l'envoi d'une force régionale contre les groupes armés islamistes qui contrôlent le nord du pays. L'inquiétude que suscite la prise de contrôle du Nord-Mali par les groupes islamistes dans les Etats de la CEDEAO est également ressentie par les autorités algériennes qui craignent à juste titre des prolongements dangereux au plan sécuritaire sur le territoire national. La question est de savoir si elles vont maintenant se montrer plus réceptives aux pressions des Etats de l'Afrique de l'Ouest destinées à l'engager dans la participation à l'intervention régionale qu'ils envisagent. La certitude étant que l'Algérie ne peut rester les bras croisés alors qu'indubitablement un «émirat islamiste» s'installe à sa frontière sud dont ceux qui le mettent en place en veulent à sa stabilité et à son intégrité territoriale. C'est pourquoi il apparaît incompréhensible que les autorités algériennes se contentent d'attendre ce qu'il va advenir de l'appel lancé au Conseil de sécurité par la CEDEAO. Surtout après que le MUJAO partie prenante de l'instauration de «l'émirat islamiste» au Nord-Mali eut revendiqué l'attentat kamikaze de Ouargla. Il est probable que l'attentisme dont font montre les autorités algériennes leur est dicté par leur conviction qu'elles peuvent contrer l'instauration de «l'émirat islamiste» que tentent Aqmi et les groupes armés qui lui sont inféodés en contribuant à remettre en selle le MNLA provisoirement défait. Alger entretient en effet avec ce mouvement touareg des relations qui l'autorisent à envisager cette perspective. Tout en ayant condamné son initiative de proclamer «l'indépendance» de l'Azawad, elle a clairement fait savoir par ailleurs que sa rébellion contre le pouvoir central pose des revendications dont la légitimité doit être admise et faire l'objet d'un dialogue et de négociations entre le pouvoir de Bamako et lui. Dans la déconfiture qu'il a subie face aux groupes islamistes, le MNLA ne peut que se tourner vers l'Algérie et quêter son aide contre l'ennemi commun, mais en acceptant sans équivoque, s'il est remis en selle, de s'intégrer au processus du dialogue prôné par l'Algérie comme solution à la crise malienne. Il n'en demeure pas moins que pour l'Algérie le développement de la situation au Nord-Mali a pris une tournure dangereuse donc inacceptable pour elle. Il ne lui suffit pas de rappeler aux puissances qui feignent de s'indigner aux manifestations de «l'ordre islamiste» qui s'installe en Azawad qu'elle les a mises en garde contre ce qui est arrivé au Sahel quand elles sont intervenues en Libye. Qu'elle le veuille ou non, l'évolution de la situation en Azawad affecte sa sécurité et la contraint à jouer son rôle d'Etat «pivot» de la région avec les conséquences que cela implique.