La tension sur le pain, et particulièrement la baguette, devient de plus en plus aiguë à travers plusieurs quartiers de Constantine, si bien que les fameuses files d'attente devant les boulangeries que l'on croyait révolues, refont leur réapparition et font partie désormais du décor quotidien. En effet, des chaînes se forment très tôt le matin, à Bab El-Kantara, la Casbah, rue Larbi Ben M'hidi, quartier de Bellevue, Sidi Mabrouk et même ailleurs, pour s'approvisionner en baguettes de pain, car il n'est produit qu'une fournée qui sort vers 7 heures, dont il ne restera d'ailleurs aucune trace une heure après. C'est ce que nous ont expliqué quelques personnes qui s'astreignent à cette corvée depuis un certain temps déjà, et notamment depuis le début du mois de jeûne. Ces derniers se demandent « si la situation va durer ainsi et pour combien de temps encore » ? Comme le dira une mère de famille, apparemment outrée. Cette dernière, qui affirme que son mari est alité et ne peut sortir, dit que c'est à elle que revient cette corvée de faire la chaîne chaque jour dès 7 heures, car ses enfants sont encore en bas âge, avouant, par ailleurs, les confier à chaque fois à des voisins. D'autres personnes dans la file d'attente s'interrogent pourquoi la baguette de pain ordinaire ne manque pas dans les corbeilles exposées sur les trottoirs par des vendeurs à la sauvette, alors qu'après neuf heures du matin, elle est introuvable dans les boulangeries. Selon Abdelaziz Bouguerne, président du bureau de la wilaya de Constantine de la confédération des boulangers pâtissiers, questionné hier matin, «la pénurie a pour origine directe le départ en congé annuel des ouvriers, phénomène qui a commencé en juin dernier et qui se poursuit, mais dans la débandade. Ces ouvriers nous ont imposés ces congés forcés et beaucoup de boulangers ont carrément fermé boutique, car ne pouvant assurer la fabrication du pain sans cette main-d'œuvre. Seule une quarantaine de boulangeries continue à activer au niveau de toute la wilaya contre plus de 90 qui existaient auparavant et dont la majorité a dû baisser rideau, à cause de ces départs en congés forcés, mais aussi sur fond de non rentabilité de l'activité». Et d'expliquer alors que le prix de la baguette n'a pas bougé depuis 1996, tous les produits entrant dans la fabrication du pain ont augmenté, et surtout les charges. Ainsi et à titre d'exemple, la redevance CASNOS était en 1996 de l'ordre de 3.000 dinars par an, aujourd'hui elle se chiffre à 32.400 dinars, soit dix fois plus. Les boulangers qui activent toujours, le font surtout grâce à l'implication du patron et des membres de sa famille dans la fabrication du pain et bien sûr ils ne peuvent pas tout faire, d'où les pénuries qui sont là pour tout le mois de Ramadhan. Le directeur du commerce, M. Boulaarak, également questionné sur ce sujet, hier, répondra que son administration ne peut prendre aucune mesure ou sanction contre les boulangers et les contraindre à travailler, en raison de l'existence d'un vide juridique dans ce domaine. Idem pour ce qui concerne la vente sur les trottoirs, «car, dira-t-il, la direction du commerce ne peut agir que lorsque le boulanger exerce légalement et qui peut donc être contrôlé. Le phénomène de la vente dans les rues relève d'autres autorités».