Parce qu'il met en jeu le pain quotidien du citoyen, le problème des boulangers a fait couler ces derniers temps beaucoup d'encre et de salive. Et il n'a pas encore cessé de susciter des discussions chez les consommateurs, inquiets de la dégradation de la situation dans ce secteur. En effet, les dernières mesures d'encouragement prises par les pouvoirs publics en faveur des boulangers concernant des réductions sur les produits entrant dans la fabrication du pain, des réductions sur les prix de la consommation électrique ainsi que des exonérations sur les impôts, n'ont pas pour autant empêché les fermetures de boulangeries qui se poursuivent à un rythme inquiétant, plongeant le citoyen dans le désarroi et provoquant des tensions sur le pain. Les coupures intempestives d'électricité intervenues dernièrement, qui ont occasionné des pertes énormes aux boulangers, semblent avoir découragé les plus résistants qui ont, à leur tour, baissé rideau ou décidé de se limiter à la pâtisserie, plus rentable. Un professionnel qui exerce sur l'avenue la plus fréquentée de la ville, la rue Larbi Ben M'hidi, nous révéla qu'il y a quelques années, tout le long de cette rue très fréquentée et dans les alentours immédiats, il existait pas moins de sept boulangeries, dans les lieux-dits les escaliers de Sidi-Boumaza, à proximité du Monoprix, à Rahbat Essouf..., indique-t-il. Ajoutez à cela que dans le quartier de Bab El-Kantara, il n'en subsiste que trois, après que trois autres eurent cessé d'activer. «Aujourd'hui, je suis le seul à n'avoir pas cédé au découragement», signale-t-il. Selon de nombreux boulangers dans le quartier de la basse et de la hausse Casbah et à Bab El-Kantara, que nous avons interrogés, le malaise que vit la profession est profond et réside bien ailleurs que dans ces mesures (qui sont insignifiantes, selon eux) prises en leur faveur. Toutefois, c'est M. Sifi Kamel, gérant d'une boulangerie à la grande rue Larbi Ben M'hidi de Constantine, exerçant la profession depuis 1945, qui a le mieux expliqué le malaise en brossant un tableau sombre de la situation que vit présentement la profession et en situant les problèmes des boulangers à plusieurs niveaux : la stagnation du prix de la baguette, subventionné par l'Etat, qui demeure bloqué à 7,5O dinars, alors que tous les coûts de production ont évolué énormément, la faible marge bénéficiaire que prennent les artisans, qui elle stagne, la formation, la relève, etc. «Nous faisons face à des investissements très coûteux, souligne notre interlocuteur : un four à 3OO millions de centimes, un pétrin à 14O millions, le coût onéreux de certains produits que nous sommes obligés d'acheter souvent au noir, l'assujettissement à plusieurs sortes d'impôts, les frais du personnel etc., font que notre activité n'est plus attractive. Du fait de cette situation, le patron boulanger ne peut pas se permettre de donner des salaires conséquents, d'où le manque flagrant de personnel qualifié». Les dernières mesures en faveur de la profession ne semblent pas provoquer de l'enthousiasme chez notre interlocuteur, qui affirme encore : «Nous attendons toujours l'application de ces mesures qui, de toute façon, n'auront aucun impact sur notre situation car, au risque de nous répéter, nous pensons que les problèmes résident dans le prix administré du pain». Aussi, M. Sifi pense que les pénuries de pain vécues dernièrement sont dues essentiellement au départ en congé annuel du personnel de boulangerie, qui préfère sortir au mois d'août à cause des conditions de travail très pénibles (chaleur). Ce qui oblige naturellement les patrons à baisser rideau. Mais, d'après lui, les problèmes résident ailleurs et sont plus profonds. Et il commence à les énumérer. «Il y a un problème de relève qui se pose, commence-t-il. La profession est délaissée par les nouvelles générations. Nos travailleurs viennent tous d'une seule région, Jijel, car malheureusement les Constantinois n'aiment pas le travail de nuit. Les boulangers qualifiés, plus particulièrement les patrons-boulangers, deviennent de plus en plus rares. Ce qui fait que l'avenir de la boulangerie s'annonce sombre». M. Bouguerne, secrétaire de wilaya de la fédération des boulangers, organisation affilée à l'Union générale des commerçants et artisans algériens (UGCAA), relativise les choses et affirme : « Il n'y a aucun problème aujourd'hui après que la Sonelgaz eut assuré qu'il n'y aurait plus de coupures d'électricité et qu'elle se fut engagée à indemniser les boulangers assurés. Par ailleurs, ce responsable syndical a garanti que le citoyen trouvera le pain à profusion durant le mois de Ramadhan. Parce que son organisation a obtenu l'accord de tous les boulangers de la wilaya pour travailler normalement et assurer la disponibilité du pain, toutes catégories confondues, durant cette période.