En nommant Abdelmalek Sellal Premier ministre en remplacement d'Ahmed Ouyahia, le président Bouteflika a pris l'assurance que le titulaire à ce poste ne sera pas tenté en ces mois qui restent au mandat président d'user de sa position pour contrecarrer l'ordonnancement de sa succession tel que lui l'envisage. Le désormais ex-ministre de l'hydraulique offre toutes les garanties dans ce sens. Il n'appartient pas au club des « présidentiables » dont le nom apparaît à chaque fois que l'éventualité d'une succession au sommet fait débat dans le pays. Sa fidélité au chef de l'Etat n'a jamais été prise en défaut. Bien que faisant partie du premier cercle des proches de celui-ci, il a toujours évité d'apparaître comme détenteur à ce titre d'une parcelle de l'autorité que ce statut est censé conférer. Abdelmalek Sellal qui fut, rappelons-le, directeur de la campagne présidentielle de Bouteflika à deux reprises est donc propulsé à la primature pour éviter toute mauvaise surprise à celui-ci de ce côte-ci. Pour Bouteflika, c'est cette préoccupation qui a fondamentalement déterminé son choix. Pour le reste, c'est-à-dire ce qui importe aux citoyens, la promotion de l'ex-ministre de l'hydraulique n'est nullement le gage que l'action gouvernementale va être menée de façon plus cohérente et moins entachée de bricolage qu'elle fut avec le Premier ministre sortant ou avec Belkhadem avec lequel il alternait. Elle s'avérerait d'autant un « coup pour rien » si le changement gouvernemental annoncé se résume seulement à quelques têtes de l'exécutif et à un échange de portefeuilles entre les autres. Sellal a beau avoir d'incontestables compétences et se prévaloir d'une expérience gouvernementale indéniable, il devra néanmoins faire avec la réalité que ce n'est pas le Premier ministre qui détermine la politique gouvernementale et en fixe les orientations. Réalité que même Ouyahia a fini par trouver amer de s'y conformer. « Prise de conscience » de sa part dont il a voulu qu'elle soit sue en décochant quelques piques durant la campagne électorale pour les législatives et après ces élections contre celui qui l'a imposé. Aussi subtiles dans l'enrobage qu'elles ont été, elles ont accentué néanmoins la défiance de Bouteflika à son encontre. Sellal ne semble pas susceptible de verser dans l'exercice de l'expression de l'affirmation de sa personnalité face à celui à qui il est voué. Il apparaîtra peut-être moins cassant, arrogant et suffisant que ne l'a été son prédécesseur. Mais la posture ne fait pas un programme et en cela les Algériens ne s'illusionnent pas sur le changement gouvernemental qui leur a été annoncé. C'est celui de « fakhamatou » que le nouveau gouvernement exécutera. Peu importe que sa pertinence soit contestée et qu'il se résume à des chantiers et à des réalisations qui n'obéissent à aucune vision stratégique de développement du pays, de croissance économique créatrice de richesses durables. Avec la nomination de Sellal, Bouteflika confirme pour ceux qui en doutaient encore qu'il est seul maître à bord du navire Algérie décidant qui, quand et comment appeler celui à qui il veut déléguer la conduite de l'action gouvernementale.