Deux frères jumeaux. C'est ainsi qu'on est tenté de qualifier les deux hommes politiques. Sellal et Ouyahia sont de la même génération. Enarques tous deux, ils sont depuis 1975 de grands et loyaux serviteurs de l'Etat. Leurs parcours et leurs compétences sont tellement identiques qu'on se pose la question de l'intérêt à remplacer l'un par l'autre. La réponse est peut-être dans la seule chose qui les différencie car contrairement à Ouyahia qui dirige le RND, Sellal n'est affilié à aucun parti politique. Et c'est à l'évidence ce message qui s'impose dans la décision du président de la République de procéder au changement à la tête de l'Exécutif. On est loin de la relation entre la majorité parlementaire et le choix du gouvernement. Mais dans le même temps on se rapproche de la mission de service public des structures de l'Etat. C'est d'ailleurs ce qu'a rappelé Abdelmalek Sellal, hier, à l'issue de la passation de pouvoirs. En énumérant sa feuille de route, il a cité les élections municipales, la révision de la Constitution, la poursuite des réformes politiques promises par le Chef de l'Etat mais il a surtout mis l'accent sur la nécessité de donner «un nouveau souffle» à l'économie nationale. Une économie qu'il s'efforcera de diversifier, d'inciter à l'investissement, privé notamment et à même de solutionner le problème de l'emploi, de trouver les voies et moyens pour «réintégrer» l'informel dans un cadre légal, etc. Sans compter, bien entendu, la lutte contre la corruption qui grève sérieusement notre économie. Si le nouveau Premier ministre n'a pas fait état du dossier de politique étrangère, il sait, cependant, que celle-ci sera présente dans toutes les actions économiques qu'il entreprendra. Le message présidentiel peut se résumer à cette seule phrase: «Moins de politique, plus d'économie.» Ceci dit, et quelles que soient les qualités de Sellal, celui-ci ne peut agir seul. Il lui faut un gouvernement puisque le désormais ex-Premier ministre, Ahmed Ouyahia, a «présenté la démission de son gouvernement». Selon Sellal, le nouveau gouvernement devait être connu hier ou au plus tard aujourd'hui. Il a rappelé que cela relève des prérogatives du Chef de l'Etat. En effet, et selon l'article 79 de la Constitution «Le Président de la République nomme les membres du gouvernement après consultation du Premier ministre». Ce qui veut dire en clair que Sellal ne proposera personne mais sera consulté. La différence est notable. Ceci n'interdit pas d'entrevoir la physionomie du futur gouvernement à partir du choix du Premier ministre qui en sera «le chef d'orchestre». Au moins pour les portefeuilles «économiques» où le pragmatisme prévaudra à tout autre aspect idéologique. Là, on peut avancer que le critère ne peut être que la compétence servie sans assaisonnement «idéologique». Ajoutons à cela que le gouvernement Sellal sera certainement plus réduit que le précédent. Ce sont les récentes déclarations du ministre des Finances, Karim Djoudi, qui faisait état de prudence dans l'élaboration du budget de fonctionnement pour 2013, qui permettent cette déduction. Un budget qui, outre qu'il sera débarrassé des faramineux rappels de salaires décaissés en 2012, devra, néanmoins, être encore «dégraissé». En faisant jouer la règle simple du «rapport qualité-prix» certaines structures gouvernementales devraient normalement disparaître. Pour résumer, donc, nous devons nous attendre à un gouvernement «incolore» et réduit. Ce qui aura également comme avantage de nous défaire définitivement des gouvernements composés en fonction de certains «équilibres». «Je ne considère pas ma nomination comme un avantage quelconque mais comme une lourde charge!» a précisé, hier le nouveau Premier ministre. Le ton est donné!