Alors comme ça, cinq lustres après le retour du soleil de la liberté sur le pays, personne n'a encore trouvé le moyen de tordre le coup à la rumeur, cette «seule» diseuse de «choses vraies». Parce le «politiquement correct» est le chemin le plus court vers la vérité «aseptisée», comment faire pour que le pays apprenne à se parler à lui-même, sans passer par des «voix d'orfraie» venues d'ailleurs ? De nos peurs ataviques de nous dire la Vérité en face à cette manie tenace de croire que le «vrai» vient toujours d'ailleurs, comment veux-t-on qu'un peuple-électeur sous-informé échappe au piège «imparable» des grilles de lecture formatées en officines clandestines, pour inoculer une «info», clefs en main, à une opinion publique qui veut simplement comprendre ce qui se passe dans son propre pays et exercer son droit (qui reste à reconnaître), à être informé sur la gestion des affaires publiques de la nation ? Pourtant, combien de vérités «toutes crues» sont parvenues aux oreilles et, surtout à la conscience «écorchée» des Algériens, par le canal tortueux de la rumeur, ou de ce que d'aucuns continuent à appeler prosaïquement «radio-trottoir» ? L'on se souvient, encore, qu'à chaque fois que la vox populi se faisait l'écho de «nouvelles fraîches», les gens qui toujours la main solide sur le gouvernail s'empressaient d'apporter un démenti dit «catégorique», un peu comme un contre-feu allumé pour oublier un grand incendie. Montrant tout le fossé qui sépare encore la communication dite «officielle» et la langue officielle de communication, le Président a été donné pour mort la semaine dernière selon la «fausse» rumeur qui, elle, n'a pas été «tuée» à temps ! Mais toutes les «rumeurs», ce plus vieux média du monde, sont-elles toutes fausses sous nos latitudes «spécifiques» ? Il semblerait que le nombre des milliardaires que compte le pays augmente plus vite que le taux de croissance démographique : Rumeur. Notre garde-manger national serait menacé par des mains baladeuses : Ragot. Notre projet du siècle (autoroute est - ouest) serait le plus grand scandale du siècle : Commérage. De gros capitaux en devises fortes seraient transférés en sous-main en terre ibérique : Poisson d'avril. La corruption dans le pays mériterait de construire des dizaines de prisons : Bobard. Il n'y aura plus d'entreprises sous les fourches caudines de l'Etat-régulateur dans moins de dix ans : Brouhaha. On dit que dans pas très longtemps, le pain, la semoule, le lait, le sucre, l'huile ne seront plus subventionnés par l'Etat-mamelle : Canard. On raconte, encore, que le socialisme en version «taiwanisée» est malade partout où il «sévit» sauf chez nous ; et que l'Algérie est un pays où le libéralisme ravageur a été «accouplé» avec succès au collectivisme anthropophage. Et la liste est longue, assez longue au point que pour l'Algérien de la rue, la Vérité, (à lui), peut être partout, sauf là où tout le monde pense qu'elle se trouve. Aujourd'hui, arrachés à leurs rêves «éveillés» pour se réveiller en plein cauchemar, les Algériens découvrent, estomaqués, que pendant dix lustres, la rumeur était et est encore et toujours la seule diseuse de choses vraies. Hier encore, un journal, se prenant la tête, annonçait en «faux scoop» que l'Algérie compterait aujourd'hui plus de trente mille milliardaires. Oui, rien que ça ! A l'annonce d'une telle «énormité, force est de reconnaître que le frais émoulu Premier ministre a du gros pain sur la planche ! Aussi vrai que la nature ne s'accommodera jamais du vide, un escalier ne peut jamais être balayé par le bas !!!