L'industrie algérienne patauge. Elle n'arrive plus à se dépêtrer de l'ornière dans laquelle elle a été placée par les restructurations menées à la hussarde et la privatisation des entreprises algériennes, dont les plus dynamiques. Quelle soit publique ou privée, l'entreprise algérienne n'arrive pas à produire assez pour répondre à une demande dont les besoins ont explosé au cours de ces dix dernières années. Résultat: les importations implosent. En plus d'être non compétitive, ce qui a provoqué un report de la date butoir du démantèlement tarifaire de l'accord d'association avec l'UE, la production industrielle nationale souffre de multiples tares, dont le manque d'investissements ciblés et les entraves bureaucratiques, fiscales et douanières aux PME ne sont pas les moindres maux. En vérité, l'Algérien navigue à vue depuis un certain temps et n'a plus de stratégie industrielle spécifique, avec des objectifs ciblés et des résultats à réaliser à court et moyen terme. Au point que les IDE boudent le pays. Et au point également que les négociations avec le constructeur Renault, dont le dossier d'implantation en Algérie tarde à se concrétiser, sont devenues un feuilleton à rebondissements. Les prochains états généraux de l'industrie, programmés en décembre prochain par le ministère de tutelle, sont-ils venus à point pour revoir la stratégie industrielle nationale ? Avec l'arrivée de Cherif Rahmani y aura-t-il un virage dans la stratégie industrielle telle qu'appliquée jusqu'alors par son prédécesseur ? Parmi les dossiers urgents sur la table du ministre, il y a surtout cet impératif de redonner confiance aux opérateurs du secteur et particulièrement les PME privées les plus dynamiques, celles qui créent de la valeur ajoutée, offrent des postes d'emploi stables et bien rémunérés et qui exportent une partie de leur production. Les manufactures qui boostent la croissance dans les pays industrialisés, ce sont les PME privées qui doivent être mises en confiance par l'Etat. En mai dernier, il y avait certes une grande rencontre entre le gouvernement et le patronat, avec des objectifs clairement définis, mais qui n'a pas été semble-t-il suivie d'effets, car les goulots d'étranglement, les entraves à l'investissement n'ont pas été levés. Outre les lourdeurs bureaucratiques et bancaires pour l'accès au crédit, il y a également l'océan des embûches douanières et fiscales autant à l'importation de la matière première que pour les exportations. Dès lors, la PME algérienne ne sera jamais compétitive et évoluera dans un environnement de grand stress bureaucratique. L'un des premiers objectifs de M. Rahmani est ainsi de revoir de fond en comble la stratégie nationale industrielle, avec plus de participation et d'attention au secteur privé. L'autre grande préoccupation qui devrait irriguer les actions du ministre de l'Industrie est de permettre aux PME algériennes de répondre à la demande nationale et, partant, de faire relancer la croissance économique en interne, et éventuellement par le rebond des exportations hors hydrocarbures, à défaut d'une croissance tirée par les expéditions d'hydrocarbures. Cherif Rahmani, dont c'est le baptême du feu à l'Industrie, est connu pour avoir mis en branle des projets «démesurés», même si parfois ils n'arrivent pas à leur terme dans ses précédentes fonctions. Lors de son installation, il a promis qu'il allait consentir «plus d'efforts afin de raffermir ce secteur avec la participation de toutes les composantes, notamment les secteurs public et privé». Il a déjà repris en main le dossier Renault et compte y introduire des réaménagements dans certains segments industriels, notamment la sous-traitance, pour donner aux PME algériennes des plans de charge, mais, surtout, mettre en place les jalons d'une nouvelle stratégie industrielle qui ne marginalise pas les petits opérateurs.