Entretien r�alis�e par Fatma Haouari Za�m Bensaci, pr�sident du Conseil national consultatif des PME, dans cet entretien qu�il nous a accord�, nous a fait part de son analyse de la situation �conomique actuelle. Il a insist� sur le volet de la sous-traitance et les difficult�s que rencontrent les PME � acc�der aux march�s publics. Il revient sur le d�sormais dossier Renault, lequel, estime-t-il, est entour� d�opacit�. Il lance un appel au ministre Cherif Rahmani, fra�chement install� au d�partement de l�industrie, � revoir ce dossier qui risque d��tre pr�judiciable pour l��conomie nationale, tel qu�il a �t� �nonc� via la presse, et invite les autorit�s � rendre publiques les n�gociations ayant trait � ce march�. Le Soir d�Alg�rie : Abdelmalek Sellal, d�s son installation � la t�te de l�Ex�cutif, a d�clar� que son gouvernement fait de la relance �conomique sa priorit�. Comment avez-vous accueilli cette d�claration ? Za�m Bensaci : Le volet �conomique a �t� tellement oubli�, occult� et malmen� que la d�claration du Premier ministre est la bienvenue. Cependant, ce qu�on souhaite, c�est qu�il y ait une v�ritable prise en charge de ce volet et qu�on arrive � d�finir une strat�gie qui nous fait tant d�faut, � savoir que doit-on faire pour sortir la situation �conomique de la l�thargie dans laquelle elle baigne. Maintenant, on est dans une position d�attente. On va voir quel va �tre le cadre qui va �tre donn� par le Premier ministre. A votre avis, quelle est la priorit� des priorit�s dans le secteur �conomique ? Je dirais, sans conteste, que la priorit� des priorit�s est la reconstruction de notre tissu �conomique qui est compl�tement �branl�. Le d�fi aujourd�hui est de donner aux entreprises productrices un avantage sp�cifique et de favoriser la production dans tous ses domaines. Il faut �galement d�finir une bonne fois pour toutes la priorit� de la production nationale sur celle de l�importation. Il faut arr�ter avec ce syst�me infernal d�importation tous azimuts pour �quilibrer notre �conomie, car en d�finitive, on importe le ch�mage des autres. Mais � votre avis, comment se fera cette reconstruction de l�industrie nationale ? C�est un volet lourd et consistant mais pas impossible, mais il faudrait cr�er une nouvelle dynamique et avoir une v�ritable volont� politique qui prend en charge cette question � bras-le-corps. D�abord hisser le secteur �tatique consid�rant que ce dernier est le plus influent dans le secteur industriel. Personnellement, je suis pour la reconstruction des grosses unit�s nationales sans n�gliger le secteur priv� qui doit �tre compl�mentaire dans un syst�me nouveau d�industrialisation du pays. Pour ce faire, il faut reconsid�rer la strat�gie industrielle en d�veloppant des p�les en m�canique, en a�ronautique, en agroalimentaire, en �nergie, etc., mais encore une fois, cela d�pendra de la volont� politique affich�e par l�autorit� publique dans le cadre de la r�gulation et les missions d�volues � l�Etat. Le climat des affaires est souvent mis � l�index, ce dernier ne semble pas �tre propice � une relance �conomique et � l��mergence d�entreprises. Qu�en pensez-vous ? Le climat des affaires est critiqu� par tout le monde, c�est un fait auquel il faut trouver une solution d�urgence. Il faut le dire honn�tement et commencer par faire le bilan de ce qui a �t� fait, de ce qui n�a pas �t� fait et tracer une feuille de route de ce qu�on doit faire. Nous sommes dans un environnement qui n�est pas propice � la cr�ation ou � l��mergence d�entreprises. Pour preuve, il y a tr�s peu de dossiers d�investissements au niveau des banques. Il n�y a pas de demandes significatives de financements qui nous indiquent que nous sommes dans une phase d�investissements. La cause est que l�investisseur se heurte � une bureaucratie lourde et pesante. Il se retrouve en train d�effectuer le parcours du combattant et finit souvent par baisser les bras. En outre, l�environnement reste d�savantageux � la cr�ation d�entreprises auquel il faut ajouter la difficult� � recruter de la main d��uvre qualifi�e, ce qui pose l��cueil de la formation. Le r�le de l�Etat n�est pas uniquement de donner de l�argent mais aussi d�assurer une culture entrepreneuriale, de r�guler le march�, d�imposer sa pr�sence non pas dans un syst�me coercitif mais dans un cadre d�accompagnement, d�aide et d�encouragement. Pour revenir aux banques, en d�pit des sommes colossales qui dorment dans leurs caisses, elles ne jouent pas pleinement leur r�le et manifestent beaucoup de frilosit� � l�octroi de cr�dits, se contentant d�un r�le primaire alors qu�elles sont le moteur de toute �conomie... C�est le cas de le dire, les banques sont le fer de lance de l��conomie. Le probl�me, comme je viens de le signaler, est que les investissements sont au point mort. On attend toujours cette fameuse r�forme bancaire qui va donner un coup d�envoi significatif � la relance �conomique et � l�investissement, malheureusement, il y a un discours officiel qui se contredit avec la r�alit�. Les investisseurs rencontrent beaucoup de contraintes. En tout cas, il y a un d�calage dans le syst�me d��ligibilit� des dossiers d�investissements qui laisse � d�sirer aussi bien en ce qui concerne les d�lais de traitement et des capacit�s des gens qui analysent les dossiers. L�Etat a mis en place des dispositifs d�aide � la cr�ation d�entreprises, mais force est de constater que ces dispositifs n�ont pas fait leurs preuves. Selon vous, quelle en est la raison ? Ces dispositifs ont redonn� espoir notamment aux jeunes porteurs de projets. C�est une initiative louable, mais si on doit faire leur bilan, on constate que c�est � la limite du fiasco. La raison est que ces dispositifs ont �t� mis en place dans la pr�cipitation, et comme on ne s�improvise pas chef d�entreprise, il fallait d�finir les fili�res � l�avance et assurer le suivi et l�accompagnement. Or, le jeune se retrouve avec un budget relativement gros qu�il ne sait pas g�rer convenablement. Ce manque flagrant d�accompagnement, de formation et de conseils a fait que ces dispositifs n�ont pas donn� les r�sultats escompt�s. Sans oublier les plans de charge qui sont quasi inexistants. La tendance mondiale est � la cr�ation de startup qui sont essentielles notamment dans le domaine de l�innovation et de la technologie, mais l�Alg�rie reste � la tra�ne alors qu�on a un vivier d�id�es � puiser dans les maisons de l'entrepreneuriat et autres centres de recherche au niveau des universit�s. Est-ce qu�il n�y a pas lieu d�exploiter ce cr�neau ? Effectivement, ce cr�neau est tr�s int�ressant pour peu qu�on le prenne en charge. Les startup � travers le monde sont potentiellement et �conomiquement porteuses de grands espoirs. Elles sont le fruit d�une id�e de g�nie et peuvent grandir et passer d�une petite entreprise � une multinationale. Je citerai le cas de Google. Mais encore une fois, les banques ne sont pas aptes � r�pondre favorablement � un jeune qui viendrait leur soumettre une id�e pour avoir un financement, sauf dans le cas d�une insertion aux dispositifs cit�s plus haut. Il y a une prise de conscience de l�importance de ce cr�neau chez les pouvoirs publics pour que les porteurs de projets puissent �voluer dans les futurs p�les technologiques comme Sidi Abdellah. En outre, une convention a �t� paraph�e entre le minist�re de la PME et celui de l�Enseignement sup�rieur pour d�finir les modalit�s relatives aux porteurs de projets. Des m�canismes ont �t� mis en place au niveau des structures universitaires comme les p�pini�res et autres centres de facilit� ; quant � leur fonctionnalit�, on n�en conna�t pas les r�sultats. Quoi qu�il en soit, on n�a rien invent�, ce sont des dispositifs qui existent ailleurs dans le monde. Toujours est-il, si cette d�marche est r�ellement prise en charge, on verra peut-�tre l��mergence de startup et d�entreprises innovantes. L�absence de bilans �conomiques, de sch�mas comparatifs et la non-fiabilit� des statistiques posent le probl�me de visibilit� dans le secteur �conomique. Comment peut �voluer une entreprise si elle n�a pas les donn�es exactes et en temps r�el au moins en ce qui concerne le domaine dans lequel elle active ? Que faut-il faire dans ce sens ? Il est vrai qu�il y a des manques et des lacunes dans ce volet, mais la mission qui a �t� d�volue � l�ONS est en train de prendre forme. Il y a eu r�cemment une d�claration de l�ex-secr�taire d'Etat aupr�s du ministre de la Prospective et des statistiques, charg� des statistiques, Ali Boukrami, qui dit qu�un accord a �t� �tabli avec un organisme fran�ais des statistiques pour d�finir une nouvelle politique dans ce domaine. Ce sera sans doute l�occasion de clarifier les choses et �uvrer pour une accessibilit� et une disponibilit� de l�information qui est primordiale pour les entreprises et l�ensemble des acteurs activant dans diff�rents domaines. L�Alg�rie a eu un sursis de 3 ans concernant le d�mant�lement tarifaire douanier avant de voir les produits europ�ens envahir le march� alg�rien. Les entreprises nationales seront-elles pr�tes pour faire face � la comp�tition en si peu de temps ? Il y a eu effectivement le report de la suppression des droits de douanes sur une multitude de produits venant notamment de l�Union europ�enne. Ce report doit �tre utilis� � bon escient pour justement arriver � mettre � niveau nos entreprises et qu�on puisse avoir des PME et des TPE innovantes et comp�titives pour faire basculer le risque de la d�ferlante qui interviendra d�ici 3 ans, mais c�est maintenant qu�il faut agir, car si on continue dans cette voie, on va se retrouver dans une situation beaucoup plus dramatique que celle qu�on conna�t actuellement. J�esp�re que le nouveau gouvernement s�y penchera s�rieusement. Justement, le programme de mise � niveau accuse un retard consid�rable dans son application et on parle d�un millier de PME qui ont �t� prises en charge alors qu�on a trac� un objectif de 20 000 PME dans un d�lai de 5 ans. 3 ans se sont d�j� �coul�s depuis son lancement, mais il semble que ce programme est en train de t�tonner. Quel est votre commentaire ? Effectivement, ce programme est en train de t�tonner mais il ne s�agit pas d�aligner des chiffres mais de parler de qualit�. Est-ce que ces entreprises sont op�ratoires ? Sont-elles au niveau des standards internationaux ? Je ne pense pas que compte tenu de l�agence qui est en charge de ce programme de mise � niveau, on pourrait aboutir � des r�sultats. Vous voulez dire que l�ANDPME ne sert � rien ? Non, je ne dis pas cela, mais je pense qu�il faut revoir le statut de l�ANDPME avec des moyens plus ad�quats et un nouvel attirail pour que cette agence soit plus dynamique pour conduire ce programme. Le code des march�s publics est �galement en point de mire, et beaucoup de voix s��l�vent pour dire qu�il faut le r�viser. Est-ce votre avis �galement ? Il est vrai que si nous voulons moraliser la vie �conomique, il faut des r�gles maintenant, il faut revoir les dispositions contraignantes dans le code des march�s. Un exemple : il faut avoir 3 devis pour faire face � une situation donn�e. Or, si je prend le cas d�un pr�sident d�APC qui doit recourir � un avis d�appel d�offres pour un probl�me d��gout dans sa commune qu�il doit r�gler dans les heures qui suivent, il est confront� � la d�gradation de l�environnement et � la col�re des populations qui ne comprennent pas le retard dans le r�glement du probl�me alors qu�il doit s�en tenir au r�glement. C�est valable dans beaucoup de domaines ; pour certaines contraintes, on peut le comprendre quand il s�agit d��viter des d�rives, mais on peut mettre en place des proc�dures diff�rentes pour �tre op�rationnel sans �tre entrav� par des dispositions bloquantes. La sous-traitance est un volet totalement n�glig� alors que c�est l�un des secteurs n�vralgiques qui peut �tre un pourvoyeur d�emplois directs et indirects. Quelle est votre approche concernant ce domaine ? Absolument ! Le d�veloppement de la sous-traitance est un passage oblig� pour g�n�rer et ma�triser le progr�s technologique, optimiser l�exploitation des potentiels existants, accro�tre la productivit� et la comp�titivit�, ma�triser la qualit�, cr�er des emplois, drainer ou �conomiser des devises, exporter des services, avec tout ce qui en r�sulte en termes de stabilit� �conomique locale et nationale. Il existe d�importantes opportunit�s qui, si elles sont saisies et exploit�es conduiront in�luctablement au d�veloppement d�un tissu industriel et de service de sous-traitance viable pouvant faire face � la concurrence internationale. Le contexte actuel est de nature � contribuer � la mise en place d�un dispositif de d�veloppement de la PME orient�e vers la sous-traitance pour au moins deux raisons : d�abord � la strat�gie d�ouverture sur l�ext�rieur ensuite aux atouts intrins�ques aux PME. En faisant l��tat des lieux, on constate l�absence de cadre g�n�ral, coh�rent et efficient de promotion de la sous-traitance, l�inefficacit� des mesures et programmes existants, malgr� la pr�dominance des programmes qui ont trait au financement, la PME souffre d�absence de soutien financier mais aussi de probl�mes de gestion, d�encadrement et de march�. Il y a �galement absence de mesures d�appui et de programmes sp�cifiques � la sous-traitance, ind�pendamment de programmes de port�e g�n�rale et de sch�ma directeur f�d�rant l�ensemble des acteurs. En outre, il existe beaucoup d�acteurs : Conseil national de la sous-traitance( CNST), 4 BSTP, directions des PME, directions des industries, mais leurs efforts sont dilu�s et leurs actions �parpill�es. La PME de sous-traitance trouve des difficult�s � acc�der aux march�s publics. Le probl�me de lot unique rend ces march�s inaccessibles. Les gros donneurs d�ordres comme Sonelgaz et Sonatrach en particulier ne favorisent pas l�int�gration et l�accompagnement des PME pour en faire un r�seau de sous-traitants. Il y a �galement le financement en tant que contrainte au d�veloppement de la PME et � la promotion de la soustraitance. C�est un probl�me r�el, m�me si son acuit� varie d�une entreprise � l�autre : pas de diff�renciation par les banques entre une grosse entreprise et un sous-traitant. Les financements s�adressent d�une mani�re g�n�rale. Le soustraitant est consid�r� comme une entreprise dont l��ligibilit� au financement repose sur le respect des r�gles conventionnelles en mati�re d�action de cr�dit, ce qui signifie que le sous-traitant n�a pas de traitement sp�cifique. L�indiff�rence au cycle de vie de l�entreprise, les financements accord�s par les banques aux PME ne diff�rencient pas toujours les besoins de financement li�s � la cr�ation de ceux li�s au fonctionnement ou � la croissance de la PME cr�atrice de valeur ajout�e. Un d�ficit de confiance affecte les relations existant entre les institutions financi�res et les sous-traitants. Les motifs de crispation sont imputables aussi bien � la banque qu�� la PME elle-m�me. La forte propension des banques � se pr�munir contre tout risque d�insolvabilit� future en exigeant le maximum de garanties p�nalise la PME transparente. Que recommande votre organisme dans ce cas-l� ? L�instauration d�une charte de partenariat entre les grandes entreprises comme la SNVI, Sonatrach et ses d�membrements etc., et la PME de sous-traitance ne pourra que renforcer la coop�ration et la synergie porteuses de d�veloppement et d��largissement du tissu industriel de sous-traitance. L�incitation au regroupement des PME sous-traitantes pour leur permettre d�offrir aux donneurs d�ordres une gamme de services plus diversifi�s, de traiter de plus gros volumes de commandes, de livrer des ensembles totalement int�gres, de mettre en commun leurs capacit�s commerciales, leurs services de RD, d�achats. La mise � niveau des entreprises locales selon la sp�cificit� de la r�gion et leur offrir une meilleure lisibilit� de l��volution des techniques et des march�s. L�am�lioration de la productivit� des PME sous-traitantes qui passe par la modernisation des m�thodes de management et d�organisation et le recrutement des comp�tences ad�quates. Le d�veloppement des PME dans les d�marches de prospection � l�international. Il y a lieu �galement de mobiliser au niveau r�gional et local l�ensemble des acteurs du d�veloppement �conomique : wilaya, chambre de commerce et d�industrie, Bourses de sous-traitance, organisations professionnelles, etc.